Escadrilles.org
Accueil » Histoire et histoires » 1958-1978, les F-100 français

1958-1978, les F-100 français

Les Super Sabre français : une chronologie

La France reçut quatre-vingt cinq F-100D et douze F-100F. Le premier exemplaire se posa sur la base de Luxeuil le 1er mai 1958, avec un premier vol officiel le 20 mai, et le dernier vol opérationnel fut effectué le 31 décembre 1978 à Djibouti. La plupart furent fournis au titre du PAM (66 D et les 12 F), mais 19 furent achetés par le gouvernement français dans un second temps.

Les débuts des F-100 français

La 11ème escadre de chasse fut la première à recevoir le F-100, certains appareils étant des anciens avions de l’USAF (48th Tactical Fighter Wing de Chaumont et 49th TFW d’Etain). Les monoplaces arrivèrent à Luxeuil après une révision en Espagne, les biplaces étant livrés neufs. Les premiers F-100 des EC 1/11 Roussillon et 2/11 Vosges portaient toujours les buzz number de l’USAF.

1958 : transporté sur un camion porte-avions !

Un groupe de pilotes de la 11ème Escadre suivit la transformation sur F-100A sur la base de Nellis à partir de février 1958 et rentrèrent au mois de mai. La transformation de l’escadre eut lieu à Luxeuil-Saint-Sauveur à compter du 20 mai et se termina à la fin de 1958.

Les premiers Super Sabre furent regroupés au 1/11, le 2/11 terminant pendant quelques mois les F-84F Thunderstreak (dernier vol le 18 juillet). Le 30 juin, la 11e Escadre comptait 38 Super Sabre (un biplace ayant été accidenté).

Un F-100F quasi neuf, portant encore son buzz number

Après la transformation de la 11, ce fut le tour de la 3ème escadre de Reims. Les premiers pilotes, et les mécaniciens, furent formés à Luxeuil et le premier F-100, un biplace (56-4013) se posa à Reims-Courcy le 30 janvier 1959. Le 2/3 Champagne fut choisi pour inaugurer le nouveau chasseur bombardier, tandis que le 1/3 Navarre finissait les F-84F (dernier vol le 27 avril).

Le 42269 du 2/3 Champagne, avec 4 bidons largables de 200 US gallons, peut-être sur une base en Allemagne

Un total de 40 avions furent livrés à Reims, et la Trois fut déclarée opérationnelle le 15 juillet 59. Fin 1959, ce sont donc quatre escadrons de F-100 qui sont opérationnels, chaque escadre ayant une dotation globale d’une quarantaine avions, D et F. La livraison initiale avait porté sur 66 F-100D et 12 F-100F.

A compter de 1960, les quatre escadrons effectuaient la totalité des exercices OTAN auxquels ils étaient astreints, les escadres étant sous les ordres du 1er CATac (Commandement Aérien Tactique). A la veille de 1961, 10 F-100 (9 D et 1 F) avaient été perdus suite à des accidents.

1961-1966 : deux escadres en Allemagne

En prélude à l’attribution de la mission strike aux deux escadres, la Trois fit mouvement vers la base de Lahr les 15 et 21 juin 1961, pendant que la Onze faisait de même vers la BA 136 de Bremgarten les 5 et 27 juin 1961.

En effet, le général de Gaulle ne permit pas aux Américains d’utiliser des armes nucléaires depuis le sol français sans avoir un droit de regard sur leur emploi. Cela entraîna d’ailleurs le déménagement de trois Wing US équipés de F-100 (les 48th et 49th déjà cités, ainsi que le 50th TFW de Toul).

F-100 1972 11-EI
Un magnifique F-100F du 1/11 Roussillon, le 64009 (ici en 1972)

C’est donc depuis l’Allemagne que les quatre escadrons s’entraînèrent au maniement de la bombe atomique Mk 28 dans le cadre des missions de la 4ème ATAF. La plupart du temps, les vols d’entraînement consistaient à pratiquer le Low Altitude Bombing System (LABS). Le 2/11 Vosges fut le premier escadron à prendre l’alerte nucléaire le 20 mai 1963 : deux avions étaient en alerte armée dans la QRA gardés par des sentinelles américaines.

Entre temps, la France avait acheté 19 F-100D aux Etats-Unis, l’Armée de l’Air pouvant ainsi faire face aux attritions passées et futures causées par l’emploi de l’avion dans des missions exigeantes.

F-100 1972 11-MJ
F-100D 42186 du 2/11 Vosges, avec ses bidons non largables, les 275 US gallons

Pendant quelques années, le dispositif ne changea pas : les quatre escadrons participaient à l’activité intense de l’OTAN depuis les BAO 136 de Bremgarten et 139 de Lahr. Lorsque le général de Gaulle annonça sa décision de sortir la France de l’organisation militaire intégrée de l’OTAN, le 7 mars 1966, les F-100 durent se préparer à quitter les bases de Lahr et de Bremgarten.

Avril 1962 : l’EC 1/3 Navarre en campagne de tir à Cazaux. Le 3-IO est piloté par René Rouault.

La 3ème escadre eut cependant le temps de se transformer sur Mirage IIIE avant de quitter Lahr pour Nancy-Ochey, en septembre 1967. Le 14 septembre 1965, le 2/3 Champagne fit son dernier vol opérationnel sur F-100, alors que l’EC 1/3 vola en mission sur Super Sabre jusqu’au 18 mars 66.

La fin du F-100 à la Trois, après seulement 7 ans d’activité, libéra assez d’avions pour constituer un troisième escadron à la 11ème escadre. Cela fut effectif le 1er avril 1966 sur la base aérienne de Colmar : surprise, le nouvel escadron fut le 3/11 Corse (et non le 3/11 Jura, tel qu’il avait été dissous en 1957).

F-100 1972 11-RI
F-100F 63935 du 3/11 côté SPA 88

La 11ème escadre déménagea vers la base ex-américaine de Toul-Rosières entre le 9 et le 21 septembre 1967 où elle prit la place du 26th TRW sur RF-4C. La sortie de l’OTAN avait impliqué dès le 1er juillet 1966 le changement de la mission principale, qui devint l’appui conventionnel et l’attaque au sol. Une mission secondaire de défense aérienne incluait la défense des couloirs de Berlin.

F-100 1972 1-RK
F-100F 63937 du 3/11 Corse à Rosières en 1972

L’escadron 3/11 Corse rejoignit Toul-Rosières entre le 8 et le 25 octobre 1967. A noter que ce jeune escadron avait reçu reçu la mission de formation et de mûrissement des jeunes pilotes, y compris ceux destinés à voler dans les escadres de Mirage IIIE. (voir Pilote de F-100)

F-100 1972 11-RX
Le 64014 11-RX vu le 25 juin 1972, le 3/11 étant escadron ‘OTU’ à la Onze

1967-1977 : la Onze en Lorraine

De 1967 à fin-1971, la flotte de F-100 français se répartit entre les trois escadrons lorrains de la ’11’, avec quelques événements liés à l’évolution des avions.

F-100D 11-ED
Le 42163 du 1/11, vu côté côté 5.GC III/6 le 25 juin 1972

L’arrivée à ‘TRAB’ coincida en effet avec la découverte de criques sur les longerons et les revêtements des ailes des F-100 (tous utilisateurs confondus), ce qui entraîna des limitations d’accélération à 4G pour toute la flotte, jusqu’à ce que les modifications soient appliquées en usine (à Châteauroux pour l’Armée de l’Air, à partir de 1970).

F-100 1972 11-MJ
Le 42186 du 2/11 Vosges, vu côté SPA 97 en juin 1972

Par ailleurs, la préparation à la mission CAFI (Composante Air de la Force d’Intervention) imposa l’entraînement au ravitaillement en vol, et donc le montage d’une perche ‘col de cygne’ en standard pour les avions destinés à être déployés.

F-100 1972 11-RT
Le 42130 du 3/11 Corse montre bien sa perche en col de cygne, et un Sidewinder, en 1972

C’est le 3/11 qui fut chargé de la formation au ravitaillement en vol, à partir de 1968. Les premières missions vers l’Afrique furent effectuées vers Dakar en février et décembre 1969, puis vers Djibouti en 1970, et vers le Gabon en 1971.

Jusqu’en 1973, le F-100 fut le seul chasseur ravitaillable en vol de l’Armée de l’Air

Du 25 novembre au 2 décembre 1971, trois avions du 3/11 effectuèrent un raid jusqu’à Ivato (Madagascar) en passant par Djibouti, puis furent stationnés sur la BA 188 jusqu’au 10 février 1972, préfigurant l’installation du 4/11 sur ce territoire.

Encore un avion du Corse, en 1973 à Frescaty (moins loin qu’Ivato !)

En 1972, le camouflage trois tons de l’USAF (sable et deux tons de vert) commençait à être appliqué à la flotte : le F-100D 54-2160 / 11-ET fut le premier appareil camouflé réceptionné par Toul le 23 juin 1972.

F-100 1972 11-ET
Le 54-2160 premier F-100D camouflé, en 1972

Le sixième et dernier escadron de F-100, le 4/11 Jura, fut officiellement créé à Djibouti le 1er janvier 1973, après que huit avions soient arrivés sur la base en deux dispositifs de quatre, les 18 et 21 décembre 1972.

Volets en position décollage pour le 42186 juste arrivé à Djibouti (1974)

Pendant toute cette période, l’attrition par accident était assez élevée, et irrégulière, certaines années voyant jusqu’à 3 (1971) et 4 (1967 et 1973) avions détruits. Avec une mortalité sévère, malheureusement. Mais l’activité était forte, en moyenne plus de 12000 heures de vol annuelles entre 1967 et 1973.

Une forte attrition par accident, ici en moyenne glissante sur deux années

L’année 1975 fut l’année des 250 000 heures de vol dans l’Armée de l’Air, mais elle coïncida également avec la rapide déflation du nombre d’escadrons, et d’aéronefs.

Dans le hangar du GERMAS 15/011 en 1974

La totalité des F-100 du Corse furent ainsi versés au 2/11 Vosges le 5 janvier 1975, le 3/11 entamant sa transformation sur Jaguar en février, après 35 690 heures sur Super Sabre.

Au roulage à Frescaty, le 63938 encore codé au 3/11 Corse

De son côté, le 1/11 Roussillon acheva son épopée F-100 le 8 octobre 1975, après 73 801 heures de vol en 18 années. Soit 4000 heures annuelles en moyenne !

Mais 1976 : le 42235 portant encore un code du 1/11 Roussillon, bien qu’utilisé par le 2/11 Vosges

En métropole, le 2/11 Vosges vola sur F-100 jusqu’au 25 juin 1977, totalisant 76 140 heures sur la bête. Alors que le 2/11 volait déjà sur Jaguar, une unité officieuse, le 5/11 Beaujolais, regroupait l’activité sur Super Sabre.

Janvier 1977 : sur le parking de l’escale, une poignée de Super Sabre du ‘5/11 Beaujolais

Le gros de l’activité de la BA 136 était déjà dévolue au Jaguar, avion tout neuf, tout propre … et promis à un bel avenir …

Toujours à Frescaty, le 42194 avec son Fanion aux Hermines (2e escadrille du Vosges)

Nombre des avions restants avaient été convoyés vers la base de Sculthorpe (Angleterre) à partir de novembre 1975, pour être restitués aux USA après avoir été préalablement remis dans leur configuration d’origine (ce qui fut très difficile).

Fraîchement arrivé à Sculthorpe, le 24 novembre 1975, le 42254 attend son destin – les convoyages vers l’Angleterre se firent avec des codes du 2/11 (mais ici c’est un ex-avion du Roussillon)

Le dernier chapitre de la vie des F-100 français restait à écrire par le 4/11 Jura.

Les indicatifs à la ’11’ : Roussillon = Velum –  Vosges = VascoCorse = Vanoir –  Jura = Vernis (sous réserve de confirmation)

La fin des Super Sabre à Djibouti

En effet, à compter de fin décembre 1972, huit Super Sabre formèrent la dotation du 4/11 Jura, cinq F-100 (dont un F-100F) provenaient du 3/11, deux F-100D venaient du 2/11, et un du 1/11. A ses débuts, le 1er janvier 1973, le 4/11 était composé d’une seule escadrille, la SPA 158 Serpentaire.

Une photo un peu ‘passée’ du 1er F-100F du 4/11 Jura, le 63935 fraîchement arrivé à Djibouti

Les F-100 remplaçaient les Skyraider de l’escadron 1/21.Les missions assignées au 4/11 Jura étaient la défense aérienne, l’appui et la reconnaissance (à partir de  1974) dans la Corne de l’Afrique.

Des F-100 de Toul vinrent compléter la dotation au fur et à mesure de l’attrition des Super Sabre du 4/11, à compter du 20 avril 1974, le Jura compta quatre appareils de plus. Ainsi, le 28 mai 1975, le 4/11 put mettre tous ses avions en l’air, soit un total de 12 F-100 dont un biplace.

Surpris par un Etendard IVP de la 16F, ces quatre F-100 pratiquent sans doute une séance de vol sous le niveau de la mer, au lac Assal …

Evènement marquant pour l’escadron de ‘la corne de l’Afrique’, le passage du Groupe Aérien Embarqué, comme pour les missions Saphir, permettait à chaque fois des exercices conjoints d’une haute tenue …

Rencontre de deux gunfighters de légende – les pilotes du 4/11 étaient parfois qualifiés de ‘voyous’ par leur collègues de la chasse embarquée …

A partir du 1er novembre 1975, le 4/11 Jura devint enfin un ‘vrai’ escadron, à deux escadrilles, la SPA 161 Sphinx venant rejoindre la SPA 158 sur la dérive des Super Sabre. Le 23 août 1976, le lieutenant Hay célébrait ses 4000 heures sur Super Sabre !

Mai 1977 vit le dernier convoyage aller (4 F-100D et un F) et retour (deux D) entre Toul et Djibouti, les avions repartant en métropole étaient des ‘PAM’ destinés à rejoindre Sculthorpe en Grande-Bretagne . ..

Fin de partie pour le 63935 : il sera bientôt transformé en casserole 🙁

Le 27 juin 1977, le Territoire Français des Afars et des Issas devint la République de Djibouti … alors qu’à cette époque, la Somalie et l’Ethiopie étaient en guerre. Les missions du 4/11 étaient donc guerrières, sans déclenchement de feu, toutefois.

1978, le chant du cygne : entre mars et juin 1978, les 11 avions de l’escadron (dont deux F) se virent parés d’une magnifique peinture en gueule de requin, les bidons de reconnaissance emportés sous voilure étant décorés d’une tête d’aigle.

F-100 11-YF 1978
En mai 1978, à l’initiative du Cne Croci et du SgC Morel, les requins apparaissent sur la BA 188

Le 24 mai 1978, le lieutenant-colonel Salmon emmena une formation de onze F-100 au-dessus de Djibouti pour fêter les 10 000 heures de vol du 4/11 sur F-100.

Fin-1978, éreinté mais toujours vaillant le 42125 attend son heure sur la BA 188

Le dernier vol opérationnel d’un F-100 eut lieu le 31 décembre 1978, le 42148 étant aux mains du commandant Vigier. La conclusion de vingt années de carrière … mouvementée … dans l’Armée de l’Air.

Second biplace du 4/11 Jura, le 64017 côté Sphinx, ici fin-1978 … mais il vole encore !

Auparavant, les Super Sabre du 4/11 avaient vu voler leurs successeurs: cinq Mirage IIIC du 3/10 Vexin étaient présents sur la BA 188 depuis fin novembre 1978.

La plupart des quarante F-100 survivants avaient été rendus à l’USAF, mais certains finirent leurs jours en tant que leurres sur la base de Djibouti … alors que d’autres furent dynamités sur place.

Le 42295, retraite au chaud, 25 ans après son arrivée à Luxeuil

Heureusement, une poignée de F-100 sont encore visibles en France, plus ou moins préservés des avanies du temps qui passe.

Alexandre et escadrilles.org

Remerciements : à Alain Crosnier et Eric Moreau pour la mise à disposition de photographies.

Référence indispensable : F-100D/F Super Sabre en service dans l’Armée de l’Air, Jean-Pierre Calka et Eric Moreau, EM37 Editions, 336 pages (pleines d’anecdotes et de photos magnifiques).