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Luxeuil, 17 septembre 2025 …

Plus de 40 années pour le 2000, ça se fête

La base aérienne 116 de Luxeuil-St-Sauveur était à la maîtrise d’oeuvre d’une manifestation aéronautique d’ampleur nationale, quoique réservée aux aviateurs, aux médias et aux passionnés d’aviation militaire : les 40 ans + du Mirage 2000. Il s’agissait en effet de célébrer le 41ème anniversaire de ce bel avion de chasse.

17 septembre : la base aérienne 116 et le GC 1/2 vous souhaitent la bienvenue !

Placée sous l’autorité du général Bellanger, chef d’état-major de l’Armée de l’Air et de l’Espace et ancien pilote de Mirage 2000, la célébration a permis de rendre hommage aux personnes qui font vivre le 2000 depuis plus de 40 ans, et aussi d’évoquer l’avenir de la base aérienne 116, et celui du Mirage 2000-5F, donc celui du Groupe de Chasse 1/2 Cigognes.

Ainsi qu’annoncé par le Président de la République en mars dernier, lors de sa visite sur place, la BA 116 accueillera à moyen terme, à partir de 2032, deux escadrons à vocation nucléaire, qui seront équipés de la prochaine version majeure du Rafale, le F5. Cela va de pair avec le développement du nouveau missile ASN-4G, et donc le remplacement des actuels ASMP-A de la dissuasion aéroportée. Le GC 1/2 et ses 2000-5F seront actifs à Luxeuil jusqu’à l’échéance de 2029, sauf changement imprévu.

2000-5F du Cigognes : le dernier atterrissage n’est pas prévu avant 2029

Venons au sujet focal de ce 40ème anniversaire, le Mirage 2000 …

L’épopée du Mirage 2000 jusqu’à nos jours, en quelques lignes

Concevoir un avion multirôles léger, monoréacteur, qui supporte la comparaison avec ses contemporains américains et russes, n’était pas chose facile, et il fallut tout le talent des industriels français pour réussir le pari. Dassault, bien sûr, mais aussi la SNECMA (devenue SAFRAN), et Thomson-CSF (devenue Thalès) ; ils étaient d’ailleurs associés à la manifestation du 17 septembre.

Un 2000C RDI en expérimentation au CEAM (photo Jean-François Lipka)

Construit en série à 601 exemplaires et en cinq versions principales, le Mirage 2000 ne connut pas un énorme succès à l’exportation, pour plusieurs raisons, mais il fut commandé par des pays qui avaient des raisons sérieuses de se préparer à un vrai conflit de voisinage. En revanche, l’Armée de l’Air se forgea toute une panoplie en capitalisant sur le chasseur initial. Il n’y a que dans la mission ‘reco’ que le 2000 ne fut pas spécifiquement développé.

2000N du La Fayette portant le camouflage spécial ‘Red Flag’ (photo Jean-François Lipka)

Afin de rendre hommage à toute la lignée ‘2000’, la base aérienne 116 proposait ce mercredi 17 septembre un panorama des différentes versions du Mirage, comprenant les avions actuellement en service et les deux versions ‘à la retraite’: le 2000C, et le 2000N. La 2ème Escadre et l’ESTA 15/002 n’avait pas lésiné, et exposait les avions avec une décoration spéciale, et leurs armements spécifiques.

La décoration spéciale du 529, le 2000B exposé au statique le 17 septembre

Mirage 2000C (1984 – 2022)

Le 2000C, version initiale du ‘super’ Mirage fut bien sûr décliné en différents standards, n’y revenons pas, et mis en service à partir de 1984 au sein de trois escadres à vocation ‘défense aérienne’. A peine 124 cellules furent produites pour l’Armée de l’Air, dont 37 furent plus tard transformées en 2000-5F, l’avion qui équipe aujourd’hui le Groupe de Chasse 1/2 Cigognes.

Peinture délavée pour le premier de série vu en 2007 à Orange

Ce 2000 initial ne tarda pas à être employé lors de différentes opérations internationales, guerre du Golfe, conflit en ex-Yougoslavie, participation aux efforts internationaux pour sécuriser le Moyen-Orient. Performance, robustesse, empreinte logistique modérée, …, font partie des qualités recherchées de ce chasseur français qui n’a rien à envier à son contemporain hégémonique le F-16. Si ce n’est sans doute une panoplie d’armements moins diversifiée.

Le dernier standard du C-RDI fut affecté aux escadrons de Cambrai, puis s’en allèrent renforcer le 2/5, ultime utilisateur des 2000C (photo Jean-François Lipka)

Mirage 2000B (1986 – )

Le 2000B est directement issu du monoplace et ne tarda pas à doter l’escadron de chasse et de transformation 2/2 Côte d’Or, dans la tradition de la répartition des rôles au sein de la 2ème escadre de Dijon. Dépourvu de canons, il est cependant capable d’entraîner les nouveaux pilotes à la plupart des futures missions qu’ils auront à accomplir.

2000B du lot initial, avec la SPA 65 du 2/2, en compagnie d’un F-1B du 3/5 (photo Jean-François Lipka)

A noter que le biplace vola aux couleurs des différents escadrons de l’AA, même si la mission principale de transformation fut dévolue successivement au 2/2, au 2/5 Ile-de-France, avant d’être attribuée récemment au 2/3 Champagne. Trente avions furent employés en France, les dix derniers (du 523 au 530) étant équipés du dernier standard de radar RDI, et propulsés par le M-53P2 de 9,7 tonnes de poussée avec PC.

Vu à Solenzara en 2012, ce 2000B du 2/5 s’apprête à tirer une ‘LGTR’, munition d’entraînement guidée par laser

Les sept Mirage 2000B actuellement en parc servent à la transformation des futurs pilotes de défense aérienne et de chasse-bombardement. Ce sont probablement les avions les plus sollicités de la flotte. Comme pour le reste du parc, la robustesse de l’avion alliée à une maintenance rigoureuse permet de garantir l’utilisation des biplaces jusqu’à l’extinction de la flotte de 2000 au sein de l’AAE … bien après que les -5F de Luxeuil auront tiré leur révérence.

Dernier 2000B livré à l’Armée de l’Air, le 530 pourrait tangenter les 50 ans de service

Mirage 2000N (1988 – 2018)

Mais le 2000B eut aussi le privilège de donner naissance au bombardier stratégique Mirage 2000N : une fois renforcée et garnie d’équipements spécifiques (comme le radar de suivi de terrain), la cellule du biplace se prêta pendant près de trente années à la mission de dissuasion stratégique ; 75 exemplaires furent produits. Avec en corollaire le développement du missile hypersonique ASMP (Air-Sol Moyenne Portée).

2000N orné du ‘Clébard’ de la SPA 81, à l’époque une escadrille du 1/4 Dauphiné de Luxeuil (photo Jean-François Lipka)

Effectuer la même mission que le légendaire Mirage IV avec un avion monomoteur d’à peine plus de 15 mètres et plus de vingt tonnes ? La tâche fut dévolue à la 4ème Escadre de chasse, de Luxeuil bien sûr, unité toute indiquée car elle avait assumé la mission nucléaire tactique auparavant. A ce titre, il faut rendre hommage aux équipages des trois escadrons de la Quatre et aux mécaniciens :  la dissuasion nucléaire, une mission des plus difficiles, un entraînement sans concession, une disponibilité H24 365 jours par an … et par tous les temps.

Sur la fin de sa vie opérationnelle, le 2000N s’adonna au tir de munitions lisses, d’où la présence ici d’un conteneur de bombinettes d’exercice

Outre le 1/4 Dauphiné et le 2/4 La Fayette, vétérans du IIIE, un nouvel escadron FAS fut créé et stationna sur la base aérienne 125 d’Istres, l’EC 3/4 Limousin. Sa disparition en 2011 suivit de peu celle du 1/4 Dauphiné en 2010, laissant le La Fayette assumer jusqu’au bout la mission de dissuasion aéroportée, en 2018, en attendant que les Rafale de la nouvelle 4ème Escadre, celle de St-Dizier, l’assurent à leur tour.

Luxeuil et les Cigognes

Ces restructurations à rebondissements du début des années 2000 ne facilitent pas le suivi historique de l’Armée de l’Air : ainsi, au moment où le 2/4 rejoignit la base aérienne 125, la base de Luxeuil perdit sa vocation nucléaire. Dans le même temps, la BA 116 accueillit le 1/2 Cigognes et ses Mirage 2000-5F en 2011 … tandis que la base aérienne 102 de Longvic se préparait doucement à fermer ses portes suite au départ de son unité phare.

Une photo que j’adore, prise à Dijon en juin 2011 : un incroyable coup de chance permit cette prise de vue … d’un -5F du 1/2 à la veille se son envol pour Luxeuil

L’arrivée du GC 1/2 Cigognes ouvrit le chapitre contemporain de la base de Luxeuil : mission de défense aérienne aussi importante que la précédente, détachements à l’étranger de plus en plus fréquents avec la gestation et l’avènement de la nouvelle guerre froide. Sans oublier la responsabilité de fournir les moyens aériens et humains à l’escadron 3/11 Corse localisé à Djibouti.

Les choumacs de Djibouti ont la mémoire affutée : ce -5F porte, outre des dents de requin bien connues, des bidons décorés comme ceux des Thunderjet de 1954 !

Car si le Corse ne fait pas partie nominalement de la 2ème Escadre, il en dépend largement dans les faits. Jusqu’à très récemment, le 3/11 volait exclusivement sur -5F ; il y a quelques semaines, deux Mirage 2000D ont fait leur apparition sur le tarmac de Djibouti (leur réapparition, plutôt). Serait-ce un prélude au retrait des -5F de la corne de l’Afrique ? Ce serait fort étonnant.

Mirage 2000D (1994 – )

Mais venons-en justement au 2000D, l’ultime rejeton de la famille des Mirage, dont 86 exemplaires furent produits. Le ‘D’ est issu du 2000N, mais spécialement développé pour réaliser des frappes (conventionnelles) de précision à grande distance, par tous les temps, de jour comme de nuit. On peut voir cet avion comme le successeur des Mirage IIIE de la 3ème Escadre de chasse, avec les moyens technologiques modernes, et bien sûr l’avantage de la formule biplace.

A peine en service, ce 2000D du Champagne arbore le Soleil de Rhodes (SPA 102) (photo Jean-François Lipka)

En effet, les conflits modernes sont souvent compliqués, avec au sol un enchevêtrement de troupes amies et ennemies, le besoin de frappes ‘chirurgicales’ avec une précision de l’ordre du mètre, pour minimiser ou éliminer les risques collatéraux. C’est le rôle du NOSA (navigateur officier système d’armes) que de coordonner en temps réel la mission avec les éléments au sol, d’utiliser les moyens de ciblage laser ou infra-rouge, de veiller jusqu’au bout à la destruction de l’objectif.

De passage à Solenzara, ce 2000D du 3/3 emporte un classique pod Atlis

Le 2000D est donc, avant le Rafale, en France, le moyen adapté pour frapper un équipement ennemi au sol, une infrastructure à valeur tactique ou stratégique. Il est justifié de voir dans sa récente rénovation à mi-vie le second souffle qui pérennise le système 2000D jusqu’aux années 2030, même si un ou deux armements n’ont pas été intégrés au programme, tels que la munition AASM, ou un missile anti-radar dédié (d’ailleurs inexistant dans la panoplie française actuelle).

Presque impossible comme ça de savoir qu’il s’agit d’un 2000D RMV

Le programme RMV est en voie d’achèvement, la majorité des cellules existantes (48 ?) bénéficie de la rénovation qui est réalisée à l’AIA de Clermont-Ferrand. Un nombre juste suffisant pour équiper trois escadrons ; mais le Champagne utilise aussi les 2000B.

Mais là, c’est déjà un peu moins difficile …

Mirage 2000-5F (1998 – )

Le ‘-5F’ est une évolution majeure du 2000C, à l’image de ce que fut par exemple le F-1CT par rapport au F-1C : le 2000-5F est une spécialisation du monoplace vers la défense aérienne/supériorité aérienne. Il est moins polyvalent que son aîné, mais beaucoup plus efficace dans la recherche et la destruction d’aéronefs (en vol), son radar Thomson-CSF RDY et ses missiles Matra MICA IR et EM lui confèrent l’efficacité multi-cibles en mode ‘tire-et-oublie’ (Fox 3).

17 septembre : le 47 achève de rentrer son train après une opportune remise des gaz

Pour ce programme, l’Armée de l’Air choisit des cellules parmi les premiers 2000C propulsés par le M53-P2 et dotés des radars RDI initiaux, au nombre de 37. Affectés en 1998 au 1/2 Cigognes, puis au 2/2 Côte d’Or, et enfin, brièvement, au 3/2 Alsace, les 2000-5F équipent également le 3/11 Corse de Djibouti ; le 3/30 Lorraine en fut brièvement doté en 2010-2011, sur la base d’Al-Dhafra. Depuis 2005, le GC 1/2 est la principale unité volant sur -5F.

2000-5F de la SPA 94 du 2/2 Côte d’Or vu en 2004

La mission prioritaire de cet escadron est la posture permanente de sûreté aérienne du territoire, H24/365 qui est de détecter, identifier et intervenir sur tout aéronef non identifié ou non autorisé au survol du territoire national. L’aspect pratique de la mission inclut l’assistance à des avions en difficulté … et la destruction d’aéronefs hostiles, sur ordre du Premier Ministre. Des ‘plots’ de permanence opérationnelle sont actifs sur plusieurs bases de France, animés par des -5F ou des Rafale.

Lorsque les 2000-5F sont en Baltique, tout peut arriver (photo prise par la PO-Rafale au large des côtes françaises, crédit AAE)

Une autre mission majeure pour les -5F du GC 1/2 s’est ajoutée, à partir de 2014 : l’opération Enhanced Air Policing, ‘eAP’, qui consiste à déployer un détachement de défense aérienne sur la base d’Amari en Estonie. Agissant sous couvert de l’OTAN, et en complément de l’opération Baltic Air Policing, le détachement de Mirage 2000 de Luxeuil assure par rotation la mission de police du ciel dans les Etats Baltes. Ce détachement compte habituellement quatre avions, et les équipages et maintenanciers associés.

La base aérienne 116, le GC 1/2, demain, après-demain …

Le Colonel Roux, commandant la base aérienne 116, a reprécisé les échéances majeures concernant le terrain de Luxeuil-St-Sauveur : la base subira bien des travaux majeurs de mise à niveau entre 2029 et 2032, ainsi que l’a annoncé le Président de la République en mars dernier. Modernisation des installations, mise au standard ‘Rafale’ des infrastructures et bien, sûr, préparation pour les retrouvailles avec la mission de dissuasion nucléaire, qui fut celle de la base jusqu’en 2011. Deux escadrons FAS s’installeront sur la base à compter de 2032.

17 septembre 2025 : une patrouille de -5F à l’envol pour le défilé aérien

La 2ème Escadre de chasse stationnera sur la BA 116 jusqu’en 2029, c’est prévu, avec le GC 1/2 Cigognes et l’ESTA 15/002 Haute-Saône. Début-2025, la flotte de Mirage 2000-5F comptait 23 avions, rien de trop pour garantir l’activité d’un escadron plein, surtout si l’on tient compte des éléments détachés au 3/11 Corse de Djibouti. A noter que la totalité de la maintenance des -5F est réalisée par l’ESTA de Luxeuil, à l’exception des entretiens de niveau industriel, effectués à l’AIA de Clermont-Ferrand.

‘Il faut 3 à 4 ans pour qu’un nouveau pilote arrive à la qualification de chef de patrouille’

Le Lieutenant-colonel ‘Quentin’ a précisé que le flux de pilotes issus de la transformation 2000 à Nancy s’établit à environ trois nouveaux PIM chaque année. L’activité régulière du 1/2 à Luxeuil nécessite la mise en piste habituelle de six avions, non compris les avions et pilotes animant la permanence opérationnelle de défense aérienne et, bien sûr, sans tenir compte du détachement périodique en Estonie.

17 septembre : le GC 1/2 Cigognes nous dit ‘au revoir’ et ‘à bientôt’

A moyen terme, à partir de 2032, les effectifs présents sur la base, actuellement environ 1200 personnes, devraient sensiblement s’accroître pour faire face à la nouvelle mission et à l’activité de deux escadrons. Au temps du 1/4 Dauphiné et du 2/4 La Fayette, la base aérienne employait plus de 2000 personnes.

Peut-être retrouvera-t-on à cette échéance un escadron 3/2 Alsace aux côtés du 1/2 Cigognes … mais ceci est une pure spéculation de l’auteur de ces lignes !

Alexandre et escadrilles.org

Remerciements : tout d’abord au SIRPA-Air de Paris, qui a bien voulu m’accréditer pour ce reportage. Ensuite, à la cellule ‘communication’ de la base aérienne 116, aux petits soins pour la presse, et dont l’exceptionnelle mise en pratique de la doctrine du ‘juste à temps’ a permis des prises de vues ‘hot’ pour ce reportage. A la base aérienne 116 et au GC 1/2 Cigognes, qui ont tout fait pour que cette après-midi du 17 septembre 2025 reste dans mes annales de reporter …