Escadrilles.org
Accueil » Reportages » Avec le grand 2/5 Ile-de-France

Avec le grand 2/5 Ile-de-France

Sur la base aérienne 115, un escadron qui ne dort jamais

IMPORTANT : ce reportage comporte plusieurs sons enregistrés. POUR les écouter, vous NE DEVEZ PAS porter de CASQUE AUDIO.

Première des unités des Forces Aériennes Françaises Libres et légendaire Squadron 340, l’escadron de chasse 2/5 Ile-de-France s’apprête à clore un long chapitre de son existence, celui de son compagnonnage avec le Mirage 2000C RDI. A quelques semaines de sa mise en sommeil (qui sera prononcée officiellement le 23 juin prochain) le 2/5 fait front sur ses trois contrats opérationnels. Pour le commandant Alexandre, patron de l’Ile-de-France depuis juin 2021, la tâche en est d’autant plus prenante.

Dépourvu de son insigne de dérive (pour quelques semaines et pour une bonne cause), le 113 est au mains d’un des deux démonstrateurs du Gusto Tactical Display.

L’EC 2/5 conduit en effet trois missions importantes, chacune d’entre elles nécessitant un investissement total, en lien avec l’escadron de soutien technique aéronautique 2E005 Baronnies : la permanence opérationnelle de défense aérienne du territoire, dite ‘PO’, ne supporterait aucune défaillance, la transformation opérationnelle des jeunes pilotes de chasse conditionne l’activité de cinq escadrons de chasse volant sur 2000 ‘bleu’ et 2000D, et les détachements au service de l’opération Barkhane sont évidemment cruciaux pour le succès des opérations en BSS et la sécurité des militaires engagés au sol.

‘Pakon’ attend le moment de la mise en route. On remarque ici l’état incroyablement ‘frais’ de ce 2000, mis en service en septembre 1992. L’auteur de ces lignes, pour avoir vu beaucoup d’avions en fin de parcours, n’en revient tout simplement pas d’observer des avions si bien entretenus.
Pakon et le 113 attendent la mise en route

La surveillance des approches sud de la France est depuis toujours une mission des unités basées à Orange : nul besoin d’expliquer que depuis l’éloignement des menaces au nord-est du pays, c’est surtout de Méditerranée que pourraient survenir des intrusions aériennes potentiellement hostiles. De plus, les interventions au profit d’aéronefs nécessitant assistance sont très fréquentes, celles-ci étant menées conjointement avec le plot MASA tenu par l’escadron d’hélicoptères 1/60 Alpilles.

24 mai 2022 : atterrissage de la PO après une mission déclenchée sur alerte.
Ecoutez le mugissement de Miss 53-P2 au réveil

Pour assurer l’activité aérienne quotidienne de la PO, le 2/5 mobilise en permanence deux avions et deux pilotes, qui sont accompagnés d’une équipe de 5 à 6 techniciens de l’ESTA. Ce personnel vit dans une ‘bulle’ durant toute une semaine, les décollages pouvant intervenir à toute heure et sans préavis, sur un ordre du CDAOA (Commandement de la Défense Aérienne et des Opérations Aériennes). Lors de notre reportage du 24 mai ont eu lieu deux décollages de la PO. Après le départ des 2000 RDI et la mise en sommeil de l’Ile-de-France, le dispositif de permanence opérationnelle dans le sud de la France perdurera, évidemment.

En courte finale avec un mistral appuyé, le 524 revient ici du meeting de Villeneuve-sur-Lot (un pilote du GTD est en place avant)

La transformation des jeunes chasseurs sur 2000 concentre à peu près un tiers des missions quotidiennes du 2/5, celles-ci étant assurées par des pilotes instructeurs chevronnés. Le parc de Mirage 2000B (7 avions) est utilisé pour ces missions, ainsi que des monoplaces. Une proportion minoritaire des missions de transformation se déroule sur simulateur, sachant que le cursus de ‘transfo’ des pilotes stagiaires consiste en 50 missions, étalées sur quatre mois environ. Il varie un peu car les futurs pilotes de 2000-5 et de 2000D n’effectueront pas les mêmes missions : les pilotes de ‘muds’ travailleront en équipage avec des NOSA formés dans une filière spécifique, d’autre part, ils suivront un complément de formation au sein de l’escadron de chasse 2/3 Champagne, qui a hérité de la mission de feu l’ETD 4/3 Argonne, à Nancy-Ochey.

La mission de transformation opérationnelle est dévolue au 2/5 depuis juin 1998 ; pour ceux qui regardent le ciel, la silhouette du 2000B fait partie du paysage vauclusien.

La période actuelle voit une évolution de la mission de transformation sur Mirage 2000, puisque le 2/5 Ile-de-France prend en charge à la fois des stagiaires émanant de la nouvelle filière PC-21 et des jeunes pilotes issus de la filière Alphajet (qui sera éteinte en 2023). Le capitaine Antonin est arrivé à Orange en provenance de Cazaux avec près de 200 heures de ‘réacteur’ inscrites sur son carnet de vol : sa transfo au 2/5 s’est donc produite sans le saut symbolique ‘hélice-réacteur’. La transition entre Alphajet NG (les avions belges qui ont bénéficié d’une modernisation du cockpit) et 2000B implique une remise à plat du travail dans le poste de pilotage, celui du Mirage étant complètement ‘années 80’ : le traitement des pannes nécessite un apprentissage ardu sur l’ancienne génération, alors que les avioniques modernes facilitent énormément le travail du pilote dans ces phases de vol.

Même si les pilotes stagiaires ont déjà effectué beaucoup de vols en patrouille à Cognac, le premier atterrissage PS sur 2000 doit … piquer un peu les yeux !

Le lieutenant Julien en est à ses premiers vols sur 2000, au terme d’une formation préalable sur SR-20, Grob 120 et PC-21 : pour lui, au niveau des performances de l’avion, le saut est important mais tout à fait gérable car le PC-21 est très rapide (vitesse 370 kts en palier) et la régulation de la propulsion est proche de celle d’un jet, avec la poussée en moins bien sûr. Il demeure clair que le vol à 500 noeuds occasionne des sensations nouvelles, qui sont intégrées assez rapidement par le stagiaire. Le vol stabilisé à forte incidence, 10° et plus, est également une expérience qu’on ne peut acquérir avant l’arrivée en transfo sur Mirage 2000.

Depuis 2015, les 2000 du 2/5 formaient avec les ‘muds’ de Nancy-Ochey un duo de choc en BSS … il va falloir faire sans les beaux chasseurs bleus.

Le 2/5 Ile-de-France contribue depuis 2015 à l’opération Barkhane, la polyvalence du 2000 RDI étant mise à profit pour les missions air-sol. Il a fallu au départ former les pilotes aux disciplines spécifiques de l’appui aérien, avec par exemple la technicité particulière des passes de tir, ou l’utilisation de jumelles de vision nocturne (le cockpit des avions a été traité JVN). Cette fin du mois de mai a vu le retour du dernier détachement du 2/5 en BSS, Barkhane 45, les avions, les pilotes et le staff technique important (20 techniciens de l’ESTA) laissant le détachement 2000D continuer seul la mission d’appui.

Historique : retour du 118 ‘le renard’ et de son pilote un certain dimanche de la fin mai … Barkhane 45 s’achève.

Il faut souligner ici l’impact important de ces opérations extérieures pour la formation d’un esprit de corps réunissant les navigants et les techniciens : pendant 2 mois, l’ensemble du personnel nécessaire à la mission vit et travaille en vase clos, une expérience bénéfique pour l’aspect  opérationnel, bien sûr, mais aussi pour le ressenti de chacun dans l’exécution d’un métier très exigeant.

Mains visibles et posées à plat, le pilote permet au ‘pistard’ d’effectuer les derniers contrôles sur l’avion.
Derniers checks achevés … ça roule

A la division ‘2000’ de l’ESTA 2E005 Baronnies échoit la responsabilité de fournir au 2/5 les moyens d’effectuer ses missions. Pour la capitaine Sophie, cheffe de cette division, le dialogue continu avec l’escadron Ile-de-France permet, autant que la compétence des techniciens, d’assurer que ce dernier ait les moyens d’assurer ses trois contrats opérationnels.

Le premier tour du matin révèle souvent quelques petites pannes : le 120, ‘flagship’ du 2/5, se dirige vers le hangar où les techniciens du Baronnies vont le dépanner rapidement.

Pour un avion en fin de vie, mais toujours performant, la mission de maintien en condition opérationnelle demande un investissement de chaque instant : la maintenance préventive étant effectuée (avec un cycle de 300 heures au niveau opérationnel), une réactivité et une efficacité sans faille permettent de pallier les diverses petites pannes qui émaillent l’activité des Mirage de l’escadron.

Le 524 dans un des hangars de l’ESTA, probablement pour une maintenance programmée des ‘300 heures’ : on remarque l’état extérieur de l’avion après plus de 30 ans de vol à Orange …

Il n’est pas rare qu’un avion entre au hangar à 11 heures et en sorte à 14, si bien qu’en général les missions programmées chaque jour sont effectuées. Il arrive aussi qu’une mission du milieu de journée soit reportée au lendemain, afin d’assurer une mission prioritaire en fin de journée … ou de préserver un avion pour une activité opérationnelle nocturne.

Quand on pense ‘aviation de chasse’, on imagine tout de suite ‘le pilote’ … mais quel privilège d’être mécano sur de telles machines volantes !

Rude et passionnant métier que de veiller sur une flotte d’avions de chasse trentenaires, la plupart arrivant en butée de leur ‘potentiel constructeur’, soit 6700 heures. Pour la capitaine Sophie, les 2000 sont des avions magnifiques : l’ESTA Baronnies veillera avec passion sur ses ‘bébés’ jusqu’à leur dernier envol de la BA 115.

Le ‘pistard’ est bien sûr aux côtés du pilote tout au long de l’indispensable visite prévol

Sous la houlette de son chef d’orchestre de l’Ile-de-France, le commandant Alexandre, le 2/5 continuera à tenir toute sa place jusqu’à la cérémonie de mise en sommeil, le 23 juin, et pour partie au-delà, jusqu’à la mi-juillet. En plus de conduire avec son unité une activité incessante, le commandant a eu à cœur d’accomplir au mieux une mission difficile : celle d’accompagner le personnel de l’escadron vers de nouvelles affectations, puisque la mise en sommeil du 2/5 s’accompagnera du départ de la plupart des aviateurs vers de nouveaux horizons, militaires ou civils.

‘Pakon’ prend place dans le cockpit de son destrier supersonique, toujours suivi de près par le pistard qui va l’aider à s’harnacher … toute une gestuelle qui justifie pleinement l’expression Chevalier du Ciel !

Dans le contexte tendu des ressources humaines au sein de l’Armée de l’Air et de l’Espace, concilier les vœux de chacun avec les profils professionnels et les besoins de l’AAE est un exercice qui a demandé de l’intelligence et beaucoup de dialogue. Pour cette mission extra-ordinaire, le commandant Alexandre bénéficiait de l’expérience préalable qu’il avait vécue à Mont-de-Marsan : le patron du 2/5 était en effet affecté au 2/33 Savoie lorsque ce dernier avait été mis en sommeil en 2014. Bis repetita placent ?

Dernier virage pour le Gusto avant un toucher des roues tout en douceur malgré un mistral énergique.

Nul doute que le grand 2/5 Ile-de-France ne restera pas sur le banc de touche au-delà de 2024 : l’ex-Squadron 340 suit les traces de son glorieux géniteur, accomplissant ses missions sans faiblir jusqu’au coup de sifflet de l’arbitre …

Alexandre et escadrilles.org

Le noir-et-blanc donne-t-il un cachet plus historique aux clichés ?… C’était le sujet d’une discussion, le 24 mai …

Remerciements : au SIRPA-Air, pour m’avoir accordé ce reportage, et à Marianne pour avoir organisé mon séjour sur le mode VIP. A l’escadron de chasse 2/5 Ile-de-France et à l’ESTA 2E005 Baronnies pour m’avoir accordé du temps avec bienveillance.

… C’est pas faux … ! 😉