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75ème anniversaire du 3/61 Poitou

Escadron de Transport des Forces Spéciales Air

Le vendredi 11 septembre 2020, l’escadron de transport 3/61 Poitou célébrait son 75ème anniversaire : des autorités, les familles, les anciens, des invités, purent prendre part à une cérémonie en l’honneur de l’escadron des forces spéciales, en présence du général Paccagnini, Inspecteur Général des Armées – Air, et du colonel Stanislas Michel, commandant la base aérienne 123 d’Orléans-Bricy.

Un 75ème anniversaire du Poitou sous les augures d’un pur ciel bleu du Loiret

Présent aux côtés du Transall décoré spécialement, un Stearman PT-13 et un Beechcraft symbolisaient les débuts de l’escadron, ce dernier ayant été la première monture du Poitou, en 1945.

Le Beechcraft venu de la Ferté-Allais pour évoquer les débuts du GT IV/15 Poitou en 1945

Age : 75 ans, dont 27 au sein des forces spéciales

Depuis sa création en tant que Groupe de transport IV/15 à Lyon-Bron, le 10 mai 1945, jusqu’à son transfert à Chartres en juillet 1946, le Poitou vola principalement sur Beechcraft UC-45, puis également sur Junker 52.

A partir de 1946, le Poitou utilisa le Junker 52 (ou le AAC-1 Toucan). Entre octobre 1947 et juillet 1948, une partie du personnel de l’unité forma l’ossature du groupe de marche, puis GT, III/64 Tonkin opérant sur le trimoteur depuis Bach Maï (Hanoï) alors que les aviateurs restés à Chartres officiaient au profit du Centre d’instruction des équipages sur Junker 52 et DC-3. Le Tonkin s’illustra notamment lors d’opérations périlleuses d’aérolargage et d’aéroportage au profit de postes exposés ; il réalisa au total 850 missions de guerre en 3 000 heures de vol, jusqu’à la dissolution du groupe, le 1er juillet. Après 1948, le GT III/64 reprit le rythme opérationnel normal d’une unité complète, avec ses AAC-1 Toucan.

Un AAC-1 Toucan alias Ju-52, bête de somme du Poitou jusque dans les années 53-54

En 1953, année charnière, Le Poitou devint escadron de transport 3/61 au moment de son mouvement vers la base aérienne 123, le 1er octobre. A compter du mois de décembre de cette même année, il fut l’un des premiers à voler sur le mythique Noratlas. De 1954 à mars 1969, date de la mise en sommeil du 3/61 Poitou, on vit les bipoutres sur tous les continents.

Réveillé dès 1970, le Poitou réceptionna ses premiers Transall C-160 en 1971. C’est sur cet avion que l’escadron prit une part importante à l’opération BONITE, devenue légendaire : le 19 mai 1978, le 3/61 procéda au largage d’éléments du 2ème REP sur la ville de Kolwezi au Zaïre. D’innombrables missions jalonnèrent le parcours de l’escadron jusqu’à une nouvelle année charnière, 1993.

Un Transall du Poitou, dans un de ses environnements habituels, latérite et forêt

Cette année 1993 vit en effet la création d’une Escadrille Opérations Spéciales au sein du Poitou. Elle connut de nombreuses missions non conventionnelles de 1994 à 1996 (comme Turquoise au Rwanda), avant de devenir Détachement des Opérations Spéciales, au sein du CIET à Toulouse-Francazal. Parallèlement, en 1997, une EOS C-130 était créée au sein du 2/61 Franche-Comté. Ces deux escadrilles avaient la même mission globale : l’appui-transport aux opérations spéciales, incluant spécifiquement l’aérolargage, l’aéroportage et l’avitaillement des hélicoptères.

L’année 2006 vit les deux escadrilles réunies au sein d’un 3/61 Poitou devenu formellement le premier escadron de transport des forces spéciales de l’Armée de l’Air, mis pour emploi au profit du COS localisé sur la base de Villacoublay. A compter de cette date, l’escadron de transport 3/61 met en oeuvre deux avions, le Transall C-160 et le Lockheed C-130H Hercules.

Un Hercules du Poitou ; actuellement soumis à une cure de jouvence, cet appareil sera cardinal dans l’escadron durant la décennie qui commence

Le 23 juin 2006, deux escadrilles de tradition de la Grande Guerre furent rattachées au Poitou : la F118 ‘Hibou ouvert’ et la F119 ‘Chauve souris éployée’, respectivement affectées à l’escadrille Hercules et à l’escadrille Transall du 3/61. Ces deux escadrilles étaient déjà réunies en 1916 au sein du Groupe de bombardement Michelin 5, spécialisé dans les missions de nuit.

Dernier arrivé à l’escadron, et des plus discrets, le Twin Otter

En 2013, le Poitou toucha son troisième type d’avion, le DHC-6, et l’EMAA lui attribua une troisième escadrille, la F121 ‘Hibou éployé’, qui avait été liée aux deux premières en 1918-19. Pendant l’entre-deux-guerres, les trois escadrilles avaient été à nouveau réunies au sein de la 21ème Escadre de bombardement, jusqu’en 1937 (voir le site traditions-air)

Le Poitou au sein des forces spéciales Air

L’ ET 3/61 Poitou dépend de la Brigade des forces spéciales air du commandement des forces aériennes, et œuvre au profit du Commandement des Opérations Spéciales. Au sein des Forces Spéciales Air, le Poitou côtoie l’escadron d’hélicoptères 1/67 Pyrénées (basé à Cazaux), le CPA 10, et le CPA 30 qui a récemment rejoint les FSA. Ces deux unités de commandos parachutistes sont basées à Orléans-Bricy.

La caractéristique d’une opération spéciale est de se dérouler en milieu hostile et de mettre en oeuvre de manière autonome des effectifs réduits pour obtenir un avantage sur l’ennemi. Pour réussir de telles opérations, le 3/61 doit jouer sur le niveau d’entraînement de ses opérateurs, sur la qualité des matériels, et sur le mode opératoire, en recherchant un effet de surprise. Des techniques comme la pénétration sous JVN, le largage TBA (Très Basse Altitude) ou TGH (Très Grande Hauteur) sont maîtrisés depuis longtemps par le Poitou.

Les trois types d’appareils de la panoplie du Poitou, réunis pour une photo de famille

Le 3/61 vole actuellement sur Twin-Otter, C-130H et Transall C-160 ; il est prévu d’utiliser ce dernier jusqu’en 2023. Pour ce qui est du C-130 et du C-160, les avions du Poitou sont puisés dans les flottes existantes, les équipements spécifiques aux opérations spéciales pouvant être montés et démontés facilement.

Le Poitou dispose des ressources humaines pour définir le besoin de nouveaux équipements, les développer en liaison avec les industriels, puis les tester avant de les utiliser en mission. Ainsi, depuis bientôt une décennie, le Poitou dispose d’une palette C3ISTAR et de ses opérateurs, laquelle donne à l’escadron un rôle majeur dans des opérations où des moyens très divers doivent être coordonnés en temps réel.

La silhouette familière du C-160, avion de l’EOS dès 1993

Autre amélioration, l’introduction de la capacité ‘SIC’ (Système d’information et de communication, une liaison par satellite) qui permet de communiquer en temps réel avec le commandement lorsqu’une opération se déroule en n’importe quel point du globe. Dans un environnement dynamique où la situation peut évoluer de minute en minute, la ‘boucle courte’ permet d’ajuster une opération en cours.

Une démonstration sur mesure

La démonstration des capacités du Poitou qui suivit la cérémonie présentait un scénario-type, même si aucune opération des forces spéciales n’est similaire à la précédente. Si cette démo ne surprit pas les initiés, elle fut très instructive pour le reste de l’assistance.

Courte finale du C-160 pour le terrain ‘sommaire’ sécurisé auparavant par une équipe d’opérateurs parachutés

La démonstration mettait en scène deux équipages et deux avions du 3/61, un Transall et un Twin Otter, ainsi que des commandos parachutistes de l’air (CPA). L’objectif de la mission était de neutraliser un groupe d’éléments hostiles ; le scénario se déroulait en plein jour, sachant que le Poitou (et les forces spéciales) privilégie les actions nocturnes.

Les opérations spéciales incluent souvent l’insertion d’éléments par saut à grande ou très grande hauteur

Dans un premier temps, on vit les commandos parachutistes prendre possession d’une surface sommaire et la sécuriser pour permettre l’atterrissage du C-160.

Il reste au coeur des opérations spéciales : l’aéroportage d’une équipe d’intervention par un avion tactique de moyen tonnage

Ce dernier inséra l’équipe de commandos chargée de neutraliser les adversaires, à bord de deux véhicules d’intervention. Cette séquence de posé d’assaut s’acheva par le décollage du Transall.

Parmi les opérateurs, un chien dûment équipé … qui ne cligne pas des yeux lors des tirs d’armes légères

L’échange de tirs (simulés, faut-il le préciser ?) se soldant par un commando touché, le Poitou intervint alors avec un Twin Otter pour évacuer le blessé, cet avion étant équipé pour permettre la prise en charge chirurgicale immédiate de la victime.

L’allonge et la discrétion du Twin permettent des ‘MEDEVAC’ peu accessibles aux hélicoptères

Peu après, les éléments hostiles étant réduits au silence, le Transall revint pour une séquence d’extraction des commandos, achevant la phase ‘terrain’ de l’opération.

Le ‘204’ a bénéficié d’un petit lifting peu avant la journée anniversaire

Cette démonstration mit en exergue un scénario d’intervention en terrain ouvert, sachant que le Poitou utilise un répertoire bien plus large, comprenant par exemple le renseignement en profondeur, la conquête d’objectifs critiques (comme les aérodromes lors de l’opération Serval), etc.

Par ailleurs, l’ET 3/61 opère fréquemment avec les composantes ‘Terre’ et ‘Mer’ des forces spéciales.

Le futur du 3/61 Poitou

Avec la création de la Brigade des Forces Spéciales Air, les FSA ont connu une récente croissance en volume, avec l’intégration du CPA 30 (Orléans-Bricy) ; l’augmentation des demandes opérationnelles pour les FSA est dans l’air du temps. Pour le Poitou, la succession du Transall, arrivant en butée en 2023, est d’ores et déjà envisagée : on pense naturellement à l’augmentation de la dotation C-130 de l’escadron. Ces futurs Hercules seront des ‘H’ rénovés et portés à un standard tactique avancé: glass cockpit, HUD, centrale de navigation hybride, SatCom, …

Petite composition à trois avions prise sur le vif … il manque le Twin Otter … il est sûrement caché derrière un nuage !

Pour encore augmenter ses capacités opérationnelles dans le futur, le 3/61 ne s’interdit pas d’utiliser l’A400M Atlas : les qualités d’allonge, de charge utile et de vitesse du quadrimoteur permettent au Poitou d’imaginer, par exemple, des opérations spéciales lointaines au départ de la métropole. Autant de gagné en terme de fulgurance des missions. Il est probable que les FSA réfléchissent déjà aux nouveaux modes d’actions permis par l’A400M.

Alexandre et escadrilles.org

Remerciements : au Lieutenant-Colonel J. commandant l’escadron de transport 3/61 Poitou des Forces Spéciales Air et au colonel Stanislas Michel, commandant la base aérienne 123 ‘Charles Paoli’.

Pour (encore) mieux connaître le Poitou, l’excellent livre de Daphné Desrosiers : ‘Les Ailes des Forces Spéciales – L’escadron de transport Poitou’ , 190 pages couleurs, 28 x 28 cm. Editions Regi’Arm, 45 euros.