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Petite Histoire du Béarn

1946-2021 : 75 ans pour les ‘Boeufs’

Si la généalogie du Béarn remonte à avant la première guerre mondiale, avec les escadrilles SAL 14 ‘Griffon ailé ‘ et SAL 18 ‘Personnage dans le vent des hélices ‘, c’est bien la fin de la seconde guerre mondiale qui voit la naissance du groupe baptisé GB I/34 Béarn. En effet, le Groupe de bombardement I/34 reçoit son nom de baptême le 30 octobre 1944, alors qu’il effectue ses missions sur Douglas DB-7 et Martin 167.

Tel qu’à l’origine, l’insigne du Béarn sur les AAC-1 Toucan (avec l’aimable autorisation de Patrice Gaubert)

En 1945, le Béarn effectue des missions de transport, notamment au profit des prisonniers récemment libérés des camps allemands. Logiquement, l’unité change de dénomination le 18 octobre, devenant Groupe de transport I/34. Peu après, le 16 janvier 1946, le personnel du Béarn quitte la France pour l’Indochine. C’est le début d’une épopée de 10 ans, alors que la France tente en effet de conserver cette région au sein de son empire colonial.

Retour aux sources pour le Béarn, avec un Toucan lourdement chargé de bombes en route vers le haut-Tonkin (Photo collection Millas)

Avec une météo souvent bouchée, un relief accidenté (Tonkin), sans autre aide radio-électrique qu’une gonio, et des missions souvent périlleuses, l’Indochine sera l’épreuve du feu pour une aviation de transport encore à ses débuts. Opérant d’abord depuis Bien-Hoa, le GT I/34 vole sur AAC-1 Toucan, alias Junkers 52. Le Béarn n’en a pas fini avec le bombardement puisqu’en plus de multiples missions de transport, ravitaillement, évasan, les ‘Julie’ sont équipées en bombardiers d’appoint et complémentent les chasseurs dans ces missions souvent déclenchées dans l’urgence face aux assauts viet-minh.

Le Béarn a opéré 8 années sur Toucan, vu ici en octobre 1951 (Photo collection Millas)

En juillet 1947, le Béarn devient GT I/64 et se déplace d’abord à Tourane (Annam) puis à Nha Trang (centre Annam). La DCA viet-minh, toujours agressive, devient de plus en plus meurtrière au fur et à mesure des mois. Les Toucan, lourds, lents et pas protégés, évoluant à basse altitude, sont des cibles faciles pour l’armement adverse. Les avions rentrent fréquemment troués, parfois sur deux moteurs, et même pas du tout : le Béarn subit de nombreuses pertes, pas moins de 14 Ju sont détruits entre avril 1946 et décembre 1952, et le Groupe déplore de nombreux tués. Ainsi, lors d’un parachutage sur Cao Bang (Tonkin), le 9 octobre 1947, le commandant du Groupe, Jules Viot, trouve la mort avec son équipage, l’avion étant abattu par la DCA.

Dakota du Béarn au-dessus du delta du Mékong (Photo collection Millas)

En septembre 1952, le GT I/64 touche ses premiers C-47 Dakota, avec lequel le Béarn connaîtra le paroxysme de ce conflit, notamment les opérations sur Na San (Tonkin), et bien sûr l’opération Castor et la bataille de Dien-Bien-Phu. Ainsi, dans la nuit du 23 au 24 mars 1954, le lieutenant Arbelet doit s’y reprendre à deux fois pour évacuer des blessés, de nuit, l’avion étant touché par des armes automatiques et des éclats de mortier lors de ses deux atterrissages. Le 24 mars, le Dakota du capitaine Koenig est abattu alors qu’il cercle au plus serré pour un parachutage à 2000 pieds au dessus du point d’appui Isabelle : sept personnes dont trois dispatcheurs périssent dans la sinistre cuvette. Le 25 mars, l’avion piloté par le sergent Gay est touché lors d’un largage à 500 pieds : moteur en feu, le Dak se pose sur le ventre près du terrain, équipage indemne. L’avion sera immédiatement détruit par l’artillerie viet-minh.

Dakota du Béarn en vol entre Saïgon et Hanoi, septembre 1954 (Photo collection Millas)

La perte de l’aérodrome, puis des points d’appui, rendra bientôt la tâche quasi-impossible aux transporteurs, mais le Béarn et son compère l’Anjou, ainsi que le Franche-Comté et le Sénégal continueront  leurs missions de jour et de nuit au-dessus d’un camp retranché de plus en plus retréci. Le Béarn reçut les plus hautes distinctions militaires : cité à l’ordre de l’Armée aérienne le 26 octobre 1954, le Groupe totalisait déjà 29 253 missions de guerre et 71 032 heures de vol. Avec la chute de Dien-Bien-Phu, le GT I/64 n’en aura pas fini pour autant avec l’Indochine : premier arrivé dernier parti, le Béarn sera dissous à Tan-Son-Nhut le 31 juillet 1956. Avant son départ, le GT I/64 se vit attribuer la fourragère aux couleurs de la Légion d’Honneur, le 15 juin 1955.

Noratlas taxyant devant l’aéroport du Bourget en juin 1963 (Photo collection Millas)

Recréé au Bourget en tant qu’escadron de transport 1/64, le 1er décembre 1956, le Béarn continue ses missions sur Dakota jusqu’en avril 1960. Le Nord 2501 devient en effet la nouvelle monture de l’escadron : avec les ‘Grises’, l’ET 1/64 effectue l’essentiel de ses missions sur le théâtre nord-africain et européen. Avec des exceptions, comme par exemple un aller et retour jusqu’au Cambodge en mars 1964. Le 1er novembre 1967, le Béarn migre vers Evreux (base libérée par l’USAF) avec la 64e Escadre, le 2/64 Maine demeurant au Bourget avec ses Breguet et DC-6.

Au Bourget en 1961, le Noratlas n°130 arbore fièrement les ‘boeufs’ du Béarn (Photo collection Millas)

Dès 1968, le Béarn opère au profit des interventions au Tchad et en Mauritanie. Rejoint par le Bigorre en juillet 1972, l’ET 1/64 partage dès lors le parc de ‘Grises’, l’insigne aux deux boeufs va laisser la place à un insigne composite ’64e Escadre de Transport’, d’autant qu’avec l’arrivée de l’Anjou en provenance de Reims, en 1978, la 64 s’agrandira encore. L’ère du Noratlas s’achève en 1982 pour le Béarn, après 22 années, le 2/64 Anjou étant désigné pour ‘finir’ les bipoutres dans leur mission de transport.

Tranchant sur la livrée habituelle des ‘Grises’, plusieurs Nord furent camouflés pour être utilisés à l’ETOM 88, puis à la ’64’ (1983, photo J.Y. Ezéquel)

Une nouvelle épopée, celle du Transall, débute en effet pour l’ET 1/64 le 1er avril 1982 : les trois premiers NG se posant à Evreux pour inaugurer une nouvelle ère du transport aérien militaire, celle du ravitaillement en vol. Les deux escadrons de la ’64’ deviennent les champions des missions lointaines de toutes sortes : l’Afrique, l’Asie centrale, le Moyen-Orient, et même l’Amérique du Nord deviennent les théâtres de l’ET 1/64 Béarn, au gré des conflits, des exercices, ou des désastres humanitaires.

Le Transall 215 arbore les armes du Béarn, sur la base aérienne de Longvic en 2004.

Clef de voûte de bien des opérations terrestres, les C-160NG ont un rôle tout particulier lors des opérations au Tchad, comme Epervier : ils servent alors de nounou indispensable aux chasseurs lorsque ces derniers opèrent loin au nord, ou doivent se dérouter sur le terrain d’à côté, à 500 km. Pendant plusieurs années, le Béarn partagera le plot ravitaillement en vol avec son compère l’Anjou.

Après une opération de ravitaillement en vol, le 215 pose pour la photo (Pascal Schwarz, 2008)

Plusieurs livres sont consacrés au légendaire Transall, et le Béarn y figure en bonne place, aussi nous ne attarderons pas sur cette période récente … encore vivante dans la mémoire des pilotes de C-160 qui volent désormais sur A400M Atlas. La fin du Béarn sur Transall fut prononcée le 25 août 2017 sur la base aérienne 105 d’Evreux, avec la mise en sommeil de l’escadron: conclusion d’un chapitre, certes, mais qui permettait la mue de l’escadron et le début d’une nouvelle épopée.

Une décoration spéciale pour débuter une nouvelle ère (photo BA 123)

Volant à nouveau sur un avion exceptionnel, l’Escadron de Transport 4/61 Béarn écrit les premières pages d’une histoire qui promet d’être pleine de rebondissements.

Copyright : Alexandre et escadrilles.org

Remerciements : à Gilbert, Patrice et Pascal pour les illustrations, ainsi qu’au photographe de la base aérienne 123.

Si ‘Zézé’ lit cet historique, il sera heureux d’y trouver une de ses belles photos.