Escadrilles.org
Accueil » Histoire et histoires » Unités de liaison et d’entrainement dans les escadres de combat (1)

Unités de liaison et d’entrainement dans les escadres de combat (1)

Le Dassault Flamant

Les escadrilles et sections de liaison et d’entrainement (principalement au PSV) dans les unités de combat (chasse, reconnaissance et bombardement) sont un vaste sujet rarement abordé. Commençons par évoquer les bimoteurs de liaison et plus particulièrement le Dassault Flamant qui fut employé dans ces unités surtout entre 1963 et 1974.

En 1964 les Flamant stationnés outre-mer rentraient en métropole et c’est tout naturellement qu’ils ont remplacé les NC701 (version nez vitré correspondant au Siebel 204) et NC702 Martinet qui assuraient les liaisons « bimoteur » dans les escadres.

Goeland 1947 5EC
Caudron Goéland n°1308 de la 5ème EC à Sidi Ahmed en 1947

De la même manière, Le Martinet avait lui-même succédé au Caudron C-445 Goéland au milieu des années cinquante lorsque le Flamant avait remplacé les Caudron de l’Ecole d’Avord (en 1952).

Depuis, les escadres disposaient chacune d’un ou deux Martinet ; c’est ainsi qu’on note la présence des :
– NC701 n°193 « 12-XB » à la 12ème EC de Cambrai (1956) ;
– NC701 n°37 « 2-DJ » (F-UGDJ) à la 2ème EC de Dijon (25 janvier 1956, accidenté à Barges -21)
– NC701 n°5 « 33-XC », 66 « 33-XD » et les numéros 14, 25, 33, 34, 57, 59, 94, 113, 114, 153, 157 dont l’immatriculation n’est pas connue mais qui sont tous passés à la 33ème ER (à Lahr) entre 1952 et 1963.

NC Martinet 6-UA
NC701 Martinet de la 6ème EC

Le Flamant

Le ‘Dassault’ a été construit en trois versions principales :
– MD.315 Flamant I (n° 1 à 136) destiné aux opérations outre-mer : un poste de commandes – armement fixe 2 mitrailleuses Browning de calibre 12,7 – six points d’emport sous les ailes. Les 120 exemplaires restants sont modifiés entre 1956 et 1958 en 315R (cellule renforcée et équipement radionavigation modernisé).
Versions « radar » (voir ci-dessous)
– MD.312 Flamant II (n° 137 à 253) pour la liaison et l’école de pilotage avec doubles commandes, équipage de deux (un pilote + un navigateur ou un pilote ou un mécanicien de bord) et 6 passagers. Deux MD312 ont été équipés au standard « ministériel » pour le GLAM (qui les a utilisés pendant 8 mois en 1953-54 avec six autres Flamant du GAEL).
Vingt-cinq MD.312M (n° 294 à 318) ont été construits pour les missions de liaison de l’Aéronavale.
– MD.311 Flamant III (n° 254 à 293) à nez vitré pour l’entraînement au bombardement et à la navigation.

Les plus gros utilisateurs des Flamant furent les GE 316 (Francazal) et GE 319 (Avord), mais le bimoteur fut très répandu dans de nombreuses escadres.

Introduction des Flamant dans les Escadres

Le MD.312 fut la version la plus utilisée dans les SALE des unités de combat qui en perçurent dès 1964 un exemplaire chacune (2, 3, 4, 7, 9, 11, 12 et 13ème EC, 33ème ER) à l’exception des 5ème, 8ème et 10ème EC de la Défense Aérienne qui attendirent 1965.

Flamant 1964 12-XA
De passage en 1967 à Salon de Provence, le MD.312 n°187 ’12-XA’ est le premier Flamant livré à la 12ème EC en 1964

Notons que la 9ème EC n’a utilisé son unique MD.312 (n°188) que de février 1964 à octobre 1965 (dissolution de l’Escadre le 1er juillet 1965). La 1ère EC fut dissoute en février 1966 et la 6ème EC intégrée à la 30ème ECTT en mars 1962, elles n’ont pas perçu de Flamant.
Dans les FAS l’unique MD.312 (n°239) livré en 1964 au CIB, passa en 1965 à la 92ème EB.

Flamant 1964 92-CV
MD312 n°239 ’92-CV’ à la JPO de Mérignac en 1969

Le MD.315 dans les escadres ‘bimoteur’ et ‘VSV’ (33ème ER et 30ème ECN/ECTT)

A la 33ème escadre de reconnaissance
La première version du Flamant, le MD.315, a été livrée au CEAM en 1949. Elle était destinée aux unités d’outre-mer (EOM 81, 83, 84, 85 et 86 pour les opérations de maintien de l’ordre ainsi qu’aux Groupes de Liaisons Aériennes 48 et 49).
C’est l’escadron 1/33 (alors basé à Cognac et équipé de P-38) qui est chargé de mettre sur pied une escadrille d’expérimentation du MD.315 qui assurera dès le mois de juin 1950 la formation des équipages de la première Escadrille Outre-Mer (EOM84). Une dizaine de MD.315 seront affectés à la 33ème ER pour quelques mois seulement car il est décidé que les équipages formés partiront avec les appareils sur lesquels ils se seront entrainés.
L’activité cessera en 1952 quand la 33ème ER reçoit ses Thunderjet équipés pour la reconnaissance ; elle ne renouera avec le Flamant qu’en 1964 avec le MD312 n°191 et conservera sa dotation d’un MD.312 jusqu’en 1973 (dernier exemplaire utilisé : n°241). Les photos de Flamant codés en « 33 » sont particulièrement rares.

EMIC 30, 30ème ECN/ECTT, CIPN/CITT346

Créé à Tours en 1953 sous le nom de « Escadron Mixte d’Instruction et de Chasse – EMIC30 », cette escadre héritière de l’ECN 1/31 reçut des MD.315 dont certains étaient équipés du radar A1Mk10 pour entrainer les équipages de Meteor NF.11. L’EMIC se partage rapidement en « Escadre de chasse de nuit ECN 30 » à trois escadrons : Lorraine, Camargue puis Loire, et le CIPN 346.

Flamant 1960 CIPN346
Formation de trois MD315 Radar (A1Mk10 ) du CIPN 346 en 1959 ou 1960 : n°46 ‘LD’ (premier appareil radar, livré en1953 à l’EMIC 30), n°28 ‘LI’ et n°35 ‘LE’. Le chiffre de l’escadre n’est pas porté à cette époque.

En 1957, avec l’arrivée à la 30 du Vautour IIN, les MD.315 reçoivent le radar Thomson DRAC 25A (qui équipe les Vautour), l’ECN 30 devient ECTT 30 (Tout Temps) et le CIPN devient CITT 346. Les Meteor T.7 biplaces d’entrainement passent dans une nouvelle escadrille rattachée au CITT 346.
En 1961 l’Escadre quitte Tours (où s’installe l’Ecole de Chasse) pour la base de Reims le CITT devenant successivement CIECTT 346 (Centre d’instruction de Equipages Tout Temps) et enfin en 1963 la Section d’Entrainement TT SETT 12/030 Hautvillers. Lors de l’équipement des escadres de chasse en Flamant la 30 recevra cinq MD.312 en plus de ses cinq MD.315. De 1957 à 1973, la 30 sous ses différentes appellations n’a cessé d’utiliser le MD.312 pour les liaisons et l’entrainement.

Flamant 1971 30-QS
Le MD.315 Radar (DRAC25A) n°51 ’30-QS’ de la SETT 12/030 Hautvillers à Reims en 1971. Il porte l’insigne de la SETT sur le nez

En dehors des 30ème et 33ème escadres, le MD.315 a équipé plusieurs autres escadres de chasse. Outre l’ECN 1/71 qui reçut une demi-douzaine d’appareils du CITT en 1958-59 et dont l’effectif alla jusqu’à dix MD.315, trois MD.315 (n°24, 107 puis 105) furent affectés à la BA 110 de Creil de 1962 à 1964 au profit de la 10ème EC ; la 11ème EC ne garda le n°112 que deux ans (1963-1964).

Le MD.311 Flamant III de liaison et d’entrainement dans les escadres

Le MD.311 a servi principalement au GE 319 d’Avord et au GOM 86 (outre-mer) puis à partir de 1965 au GE 316 (école des navigateurs) qui a regroupé l’essentiel de l’effectif disponible. Dans le cadre de cette étude il faut noter que les 5ème et 10ème EC en ont eu un chacune en 1964. Plus tard, la 2ème EC a disposé d’un exemplaire entre 1974 et 1979 pour l’instruction des contrôleurs. Le 15 octobre 1979 la SL.VSV 2 EC (Section de Liaison et de Vol Sans Visibilité de la 2ème EC) fusionnera avec les services de l’Accueil pour devenir la S.A.L.E. (Section d’Accueil de Liaison et d’Entrainement) et perdra son dernier Dassault.

Flamant 1974 2-HD
Le MD.311 n°265 ‘2-HD’ que la 2ème EC vient de recevoir du CEAM, dont l’insigne a été effacé sur la dérive (JPO du 13/06/1974 à Dijon)

Le MD.312 dans les escadres

La version MD.312 a été employée par toutes les escadres de chasse, comme précisé plus haut ; pour piloter l’unique Flamant de l’Escadre un « moustachu » (souvent un ORSA expérimenté) était désigné, il suivait un stage dans une unité équipée de ce type d’appareil (Avord, Strasbourg, Tours). A partir des années 60s les chasseurs (formés dès le départ sur CM170) n’avaient plus pratiqué les moteurs à pistons ni les vrais bimoteurs. Il était donc indispensable de s’accoutumer aux procédures de panne moteur (qui entraîne une brutale embardée en lacet) et aux manœuvres en monomoteur (panne au décollage, remise de gaz en mono, atterrissage, etc.).

Lors de la JPO de 1973, la 13ème Escadre présente son Flamant au public

Les chasseurs, qui volaient essentiellement en CAM (régime de vol en Circulation Aérienne Militaire), devaient rafraichir leurs connaissance des règlements de la Circulation Aérienne Générale notamment en vol CAG/IFR (vol aux instruments en régime civil) pour lequel le Flamant était équipé (il permettait notamment des procédures d’atterrissage autonome de type VOR ou ILS ce qui n’était pas le cas sur de nombreux avions de chasse pour lesquels la percée dirigée GCA- Ground Control Approach- était la règle habituelle).
Tout cela explique peut-être que les Flamant en escadre qui volaient relativement peu sont ceux qui ont eu le plus d’incidents ou accidents.

Flamant 1968 5-MJ
Vu à Orange en juillet 1968, le MD.312 n°156 ‘5-MJ’. Il avait remplacé le n°190 de la 5ème EC lui-même réformé suite à une sortie de piste le 10 mars 1965 alors qu’il faisait un essai de réversion des hélices (procédure d’atterrissage court).

L’entretien des avions répartis sur les bases était assuré par les GERMaS d’Avord et de Lahr (ce dernier sera remplacé par Metz lorsque en 1965 l’Armée de l’Air quitte la BA 139 : l’ELA 55 est alors dissoute et ses avions transférés à l’EL 41 sur la BA 128).

Au roulage sur la BA 128, le ‘Dassault’ de la 11, en 1973 ou 1974, peu avant son retrait.

En vol, on ne pouvait ignorer que le Flamant datait de la fin des années 40 : le bruit et les vibrations que ses moteurs Renault 12S communiquaient à la carlingue avaient le mérite d’habituer les jeunes pilotes de transport à ce qui les attendait sur Nord 2501 mais le vieillard était sain et fiable si l’on oublie les pannes de son circuit hydraulique dont le liquide malodorant avait tendance à se répandre inopinément dans le poste de pilotage. Dans les escadrilles de liaisons l’équipage se composait souvent du pilote et un mécano de piste qui faisait alors office de mécano-navigant. Avec le MD.311 on pouvait jouer à se faire peur en mettant la victime (co-pilote ou mécano) dans la bulle du nez vitré pendant un vol en TBA (effet garanti). Pour le 315 je ne peux rien dire car je ne l’ai malheureusement pas pratiqué.

Flamant 1966 11EC
En 1966, le MD.312 de la 11ème Escadre de Chasse dont il porte l’insigne

La décoration des Flamant était sobre. Ils ont porté les drapeaux de dérives jusque vers la fin des années 60. Les insignes étaient rarement peints car les avions changeaient souvent d’unité quand ils passaient en révision au GERMaS ; parfois même les codes de l’escadre étaient absents (par exemple, le n°161 qui aurait du être immatriculé ’10-KA’ et ne portait que l’insigne de la 10ème EC). La 4ème EC est une exception et fut (à ma connaissance) la seule à peindre sur la dérive de son n°169 l’insigne de la SALE de l’Escadre.

Flamant 1969 4-WA
Le MD.312 n°169 ‘4-WA’ vu à Luxeuil à la JPO de 1969

Flamant des autres unités

Parallèlement, d’autres unités ont utilisé le Flamant pour la liaison et l’entrainement. On peut citer le cas de la Base Aérienne 113 (St-Dizier), les Groupements Ecoles (GE 313 d’Aulnat, 314 de Tours, 315 de Cognac et le GI 312 de Salon) ainsi que le CEAM qui entre 1949 et 1973 a mis en œuvre les trois versions du Flamant pour l’expérimentation et la mise au point, mais aussi pour les missions de liaison et d’entrainement au profit de l’unité.

Flamant 1969 118-II
Le MD.311 n°278 « 118-II » au début 1969. Le CEAM ne disposait alors que d’un 311 qu’il perdit définitivement en 1971

Copyright: Alain Gréa et escadrilles.org, tous droits réservés.

Remerciements : Certaines données sont tirées de l’incontournable documentation de Bernard Chenel (voir notamment l’ouvrage : « Avord – L’ère du Flamant » publié en 1982). Nous remercions Michel Jean et deux contributeurs anonymes pour certaines photographies.