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La 9ème Escadre de Chasse – 1

Du Thunderjet au F-84F : 1954-1956

La genèse de la 9ème Escadre de Chasse vue par Michel Brisson

L’Histoire ne faisant pas de saut, celle de l’Armée de l’air non plus, ni celle de la 9ème Escadre de Chasse. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler les gènes de ‘la Neuf’ dont le nom deviendra indissociable de celui de Metz-Frescaty. Pour ce qui est de la période plus contemporaine, celle des 60 dernières années, tout part de la Guerre Froide qui s’installe progressivement en Europe après les accords de Yalta, le 4 février 1945. En réponse à l’hégémonie stalinienne, les occidentaux créent le Traité de l’Atlantique Nord avec sa composante militaire: l’OTAN, le 1er avril 1949. Ceci implique le réarmement de l’occident et plus particulièrement de l’Armée de l’Air.

Dès 1950, l’Armée de l’air se dote des premiers avions à réaction sur la Base de Rabat – Salé. Ce sont les Vampire de construction anglaise, suivis de sa version française : le Mistral. Mais ce n’est pas suffisant. Grâce au Mutual Defense Assistance Programme, l’Armée de l’Air reçoit des quantités de F-84E et G Thunderjet. Mais à cette époque (1951-1952) les jeunes pilotes sortis des écoles américaines ou canadiennes n’ont volé que sur avions à hélice: T-6, P-51 Mustang ou P-47. Or, les F-84 sont des monoplaces. Il en résulte de la casse au décollage. Le Commandement organise donc à Reims un centre de formation au F-84. Ce centre sera rapidement équipé de T-33 biplace permettant une transition hélice-jet plus rationnelle.

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L’auteur, se préparant pour un vol sur Thunderjet en 1956

Pendant de temps là, les escadres de chasse sont constituées. A partir de la montée en puissance de la chasse française dans le cadre de l’OTAN, les escadres portent un numéro de 1 à 12. Elles sont composées de 2 à 3 escadrons, de 25 avions chacun. On a commencé vers cette époque à porter les escadres à trois escadrons. Dans cette organisation du milieu des années 50, de la 1ère Escadre à St-Dizier à la 12ème à Cambrai, il y avait un trou: le numéro 9. La 6, la 7, la 8 étaient en Afrique du Nord; à cela il fallait ajouter la 30 qui était la Chasse de nuit et la 33 qui est la Reconnaissance). Cela tombait bien car les groupes GC I/9 et II/9, le Limousin et l’Auvergne, avaient été, au cours de leurs vies sans cesse dissous et recréés. Ainsi le GC I/9: créé en 1939, dissous en 1940, recréé en 1944, dissous en 1946, recréé en 1950 dissous en 1952 (Indochine), et enfin recréé à Lahr.

Alors que les jeunes brevetés pilotes venant des écoles américaines et canadiennes finissaient sur ‘jet’, T-33 et même F-80 puis F-84 aux USA, l’objet du CTF (Centre de Transformation sur F-84) avait disparu. Il fut donc dissous le 25 mars 1954 et la 9ème Escadre créée, dans la foulée à Lahr, avec deux escadrons. Lahr, juste de l’autre côté du Rhin, en face de Sélestat.

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Année 1954

La 9ème escadre de chasse vit le jour au printemps 1954 sur la base aérienne 139 de Lahr-Hugsweier. Elle naquit des ‘cendres’ du Centre de Transformation F-84, qui fit mouvement de Reims vers Lahr le 25 mars. Elle est alors équipée de Republic F-84E, un jet de première génération, bien adapté pour l’attaque au sol, mais sous-motorisé (J35-A17 de 2360 kg de poussée), et dangereux en transonique.

Le Thunderjet, ici de l'EC 1/9 Limousin, qui vola sur F-84E, puis -G
Le Thunderjet, ici de l’EC 1/9 Limousin, qui vola sur F-84E, puis -G

La création de la 9e Escadre est effective le 1er avril, avec outre l’EC 1/9 Limousin, l’escadron VSV équipé 14 Lockheed T-33, et l’escadron maintenance technique 12/139. Le commandement de la Neuf est confié au commandant Giraud. La nouvelle 9ème escadre prend la suite de la 9e Escadre qui avait existé du 1er novembre 1939 au 22 août 1940. A cette époque, la 9e EC était constituée des groupes de chasse I/9 et II/9, avec respectivement les escadrilles 1.GC I/9 (le Vautour) et 2.GC II/9 (le Fennec), et les escadrilles SPA 85 (la Folie) et 2.GC II/9 (Morietur).

Pilote, mécanicien, et un Thunderjet à Lahr
Pilote, mécanicien, et un Thunderjet à Lahr

La nouvelle 9e Escadre sera donc composée des escadrons de chasse 1/9 Limousin et 2/9 Auvergne, constitués des mêmes escadrilles que celle des anciens GC I/9 et II/9. Cependant, lors de sa campagne d’Indochine, le GC I/9 avait fait opérer une petite transformation de ses deux escadrilles, le Fennec mutant et devenant malicieux, et le Vautour perché devenant un Aigle fondant sur sa proie…

Le Limousin et l’Auvergne étaient en Indo … les ‘chefs’ de la nouvelle Neuf ont également fait l’Indochine (les pilotes ‘chibanis’ aussi: Toussaint, Rion Venturini, Potel, …) : ainsi, Birden, Souchet, de Rolland pour le 1/9. Ces deux derniers ont été brevetés aux USA et sont des EOA. De même, René Payen, second commandant du 2/9 avait ‘fait’ Dien Bien Phû. Mais à tout principe, on trouve des exceptions : au 2/9, les deux commandants d’escadrille, Duguet et Jean Thépin sont des ‘directs’.

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En même temps que ‘La Neuf’ voie le jour, l’escadron de chasse 1/9 Limousin est créé le 1er avril 1954 (Instruction ministérielle 5621/EMFA/ du 29 mars 54), avec une dotation théorique de 25 Republic F-84E Thunderjet, issus du CTF-84, et d’un ‘Siebel’ NC-701 Martinet. Son chef est alors le commandant Chausse.

L’escadron de chasse Limousin est l’héritier du GC I/9 de 1940, groupe affecté en Tunisie lors de la campagne de France et dissous le 22 août. Recréé sur P-39 en décembre 1944, avec le nom ‘Limousin’, le GC I/9 fut dissous en mars 1946 avant d’être recréé le 15 juin 1950. Le GC I/9 Limousin s’illustrera en Indochine de 1950 à 1952, sur Bearcat, avant d’être à nouveau dissous le 1er novembre 1952.

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L’escadron de chasse 2/9 Auvergne vit le jour un peu plus tard à Lahr, le 1er août 1954 (Instruction ministérielle 6436/EMFA/ du 29 mars 54). L’EC 2/9 hérite des fières traditions du GC II/9 (20 victoires en 35 jours de combat en 1940), dissous le 28 novembre 1940. Recréé en septembre 1944, le GC II/9 disparaît à nouveau le 1er mars 1946. Le GC II/9 ‘Auvergne’ fut reconstitué le 1er novembre 1950 et s’illustra en Indochine sur Hellcat puis Bearcat jusqu’au 1er octobre 1953.

Le 2/9 Auvergne vola uniquement sur des Thunderjet de type F-84E
Le 2/9 Auvergne vola uniquement sur des Thunderjet de type F-84E

La dotation de l’EC 2/9 se fait par partition du personnel et du matériel de l’EC 1/9, par conséquent à cette date, chaque escadron possède 12 F-84E. A sa création, le 2/9 est commandé par le capitaine Galibert. A cette époque, les avions de la 9ème escadre sont codés en 9-Wx (EC 1/9) et en 9-Xx (EC 2/9). L’activité opérationnelle des chasseurs-bombardiers est endeuillée à l’automne par la mort du sgt Tréville de l’EC 1/9 le 6 octobre 1954 (avion 51.9566), puis par celle du sgt Bancquart, toujours au Limousin, le 14 octobre 54 (avion 51.9556 ?). Le sgt Tréville fut vraisemblablement victime de l’entrée en compressibilité de son avion, lors d’un rassemblement à haute altitude. Il ne put s’éjecter. Le sergent Bancquart percuta le sol au cours d’une séance de tir air-sol. Le capitaine Birden prend le commandement de l’EC 1/9 Limousin le 1er décembre 1954.

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Année 1955

L’année 1955 débuta avec une 9ème Escadre sous-dotée en avions, puisque les deux escadrons continuèrent à tourner avec la dotation initiale de l’EC 1/9, les F-84G n’arrivant finalement que le 1er octobre. Cette version du Thunderjet bénéficie d’un réacteur un peu plus puissant (J35-A29 de 2540 kg de poussée).

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Au premier semestre 1955, la 9ème Escadre se trouve toujours en sous-dotation de F-84E (9 avions au 1/9 et 10 avions au 2/9, au 1er juin), mais l’escadron VSV (Vol sans Visibilité), commandé par le cdt Prudhomme, fait toujours le plein de T-33 (15 appareils). En outre, le Limousin et l’Auvergne ont chacun un Siebel. L’organisation change légèrement puisque l’escadre passe sous la coupe de la 9ème demi-brigade, au 1er mai. A cette date, la Neuf compte 62 pilotes. Durant la semaine du 21 au 28 juin, la Neuf accueille un escadron de Thunderjet italiens, à l’occasion de l’exercice ‘Carte Blanche’, qui simule une situation de guerre.

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L’EC 2/9 s’en va en campagne de tir à Cazaux du 19 au 30 septembre, avec 28 pilotes des deux escadrons et les F-84E. Le 1er octobre, le 1/9 (toujours commandé par le cne Birden) réceptionne 20 F-84G en provenance de la 3ème escadre. La Neuf compte en fin d’année: 19 F-84G et 1 NC.701 au 1/9 Limousin, 18 F-84E et 1 NC.701 au 2/9 Auvergne. L’EC 2/9 change de commandement le 1er novembre, le capitaine Payen prenant la suite du cne Galibert.

Le 1/9 Limousin va voler à peine 1 an sur F-84G
Le 1/9 Limousin va voler à peine 1 an sur F-84G

Quant à la 9ème escadre, elle change également de chef, le commandant Cardot en prenant les rênes le 17 décembre. Malheureusement, le ss-ltt Laurent du Limousin trouve la mort aux commandes de son F-84G (51-10588, 9-WM) le 30 décembre. Au 31 décembre 1955, depuis sa création la 9ème Escadre a effectué 12 869 heures de vol sur Thunderjet, dont 7978 pour l’EC 1/9 et 4891 pour l’EC 2/9. Ce n’est toutefois qu’au quatrième trimestre que l’escadre s’est trouvée en pleine possession de ses avions, F-84G pour le Limousin et F-84E pour l’Auvergne. Au cours de cette année, le codage de l’Auvergne change et devient ‘9-Nx’.

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Année 1956

L’année 1956 fut une année de double transition pour la 9ème Escadre : au cours du deuxième trimestre, elle déménagea de Lahr vers la nouvelle BA 128 de Metz-Frescaty; au cours du second semestre, les Thunderjet cédèrent la place au tout nouveau F-84F Thunderstreak, un chasseur-bombardier à aile en flèche, quasiment supersonique.

A compter de juillet 1956, la Neuf va être supersonique (en léger piqué)
A compter de juillet 1956, la Neuf va être supersonique (en léger piqué)

L’année fut aussi marquée par la mise sur pied de l’Escadrille d’aviation légère d’appui (EALA) 7/72 à Atar en Mauritanie, à compter du 3 juillet. L’escadrille fut équipée de North American T-6G, 13 pilotes et des mécaniciens lui furent affectés, dans le cadre du ‘parrainage’ par la 9. Par ailleurs, dès le début de 1956, des pilotes rejoignent l’Afrique du Nord, tel Jean Merlet qui à peine transformé sur F-84E, au 2/9, refait sa valise pour aller se transformer sur MS.733 Alcyon et rejoindre l’EALA 6/70 à Tebessa.

Le 19 mars, un F-84G de l’EC 1/9 est perdu par accident (le 51.10707, 9-WD), mais le pilote s’en sort heureusement indemne. Une campagne de tir air-air se déroule à Cazaux du 2 au 14 avril, avec 26 Thunderjet. Cependant l’escadre déplore des résultats ‘médiocres’ qu’elle attribue au mauvais état des gyroscopes des collimateurs et au manque d’entraînement consécutif à la mauvaise météo à Lahr en mars.

La décision de mouvement vers la BA 128 est annoncée le 9 avril (IM 5790/EMAA), et le déménagement de l’Escadre et des trois escadrons (avec l’EEVSV) va se faire fin-avril et au cours du mois de mai. Le Limousin est le premier à faire mouvement : il est en place à Metz avec six F-84G (9-Wx) à compter du 7 mai. Le 2/9 Auvergne déménage lui entre le 19 et le 28 mai, avec ses F-84E (9-Nx). Lorsqu’elle arrive sur la BA 128, la 9ème escadre a enregistré plus de 16 000 hdv sur Thunderjet depuis sa création. Elle est emmenée par le commandant Cardot.

Le déménagement de Lahr vers Metz est vite suivi de l'arrivée des F-84Fau 2/9
Le déménagement de Lahr vers Metz est vite suivi de l’arrivée des F-84Fau 2/9

De janvier à fin-mai 1956, l’escadron 1/9 a effectué 1534 hdv sur ses F-84G et l’escadron 2/9, 1976 hdv sur ses F-84E. En juin et juillet, les deux escadrons possèdent chacun 24 Thunderjet, en attendant les Thunderstreak qui vont arriver à partir d’août. Ce sont pas moins de 1851 heures de vol qui sont effectuées pendant les deux premiers mois à Metz.

Sans doute photographié peu après son arrivée sur la BA 128, le 26090 du 2/9 Auvergne
Sans doute photographié peu après son arrivée sur la BA 128, le 26090 du 2/9 Auvergne

A compter du 11 juillet, pilotes et mécaniciens se préparent à l’arrivée des F-84F grâce à des stages d’instruction. La transformation en vol des premiers pilotes se fait à Reims (3e EC) et à Luxeuil (11e EC). L’entrée en service du F-84F se fait d’abord à l’EC 2/9, le Limousin continuant à voler sur F-84G jusqu’à la fin d’octobre.

Le F-84F mis 5 mois pour investir totalement la BA 128
Le F-84F mis 5 mois pour investir totalement la BA 128 (ici des avions du 2/9)

Les F-84E du 2/9 sont arrêtés de vol le 15 août, et parqués dans l’attente de leur convoyage. Le 1/9 est renforcé par des équipiers en formation sur Thunderjet et des mécaniciens. Les F-84E puis F-84G sont convoyés progressivement vers Toulouse en octobre et novembre. Des vols sur F-84E ont lieu jusqu’au 25 octobre, et sur F-84G jusqu’au 17 novembre.

C'est a priori le dernier Thunderjet qui quitte Metz, avec aux commandes André Lebas (assis sur le bidon)
C’est a priori le dernier Thunderjet qui quitta Metz, avec aux commandes André Lebas (assis sur le bidon, pour le moment)

La dotation en Thunderstreak du 2/9 passe de 6 à 11 avions en septembre, puis à 21 avions fin-octobre. C’est finalement en décembre que le 1/9 Limousin reçoit à son tour les F-84F.

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Probablement vu au printemps 1957, un ‘Streak du 1/9 au roulage

Les deux escadrons de la Neuf sont donc complètement transformés à la fin de 1956 sur le plan du matériel aérien. Cependant les pilotes n’apprennent que progressivement le nouvel avion: seulement 13 pilotes sont opérationnels au 31 décembre, 28 étant transformés et les 22 autres en cours de transformation.

A partir de fin-1956, c'est le panorama offert par la base de Frescaty: au premier plan le 1/9 Limousin et au second plan le 2/9 Auvergne
A partir de fin-1956, c’est le panorama offert par la base de Frescaty : au premier plan le 1/9 Limousin et au second plan le 2/9 Auvergne

Ainsi, à la fin de l’année, l’escadre est dotée de 41 F-84F (EC 1/9 : 18 – EC 2/9 : 23) et la section VSV compte 3 NC.701 Martinet. L’escadron 1/9 est emmené par la capitaine Birden, et le 2/9 par le capitaine Payen. Le second semestre de 1956 se solde par une activité aérienne de 2026 heures pour le 1/9 (en majorité Thunderjet) et de 1257 heures pour le 2/9 (surtout Thunderstreak), ainsi que par 175 heures de Siebel.

Gérard Schaub fit partie des pilotes de F-84F de l'Auvergne, dès 1956
Gérard Schaub fit partie des pilotes de F-84F de l’Auvergne, dès 1956

Voir aussi, le texte de Michel Brisson : ‘Pilote à la Neuf en 1955’

Michel Brisson, à bord d'un F-84F de type '51GK'
Michel Brisson, à bord d’un F-84F modèle ’51GK’ (usine de General Motors)

Remerciements : A Eric Moreau pour la mise à disposition de son fond documentaire sur la 9ème Escadre, et de ses archives photographiques. A Alain Duvernoy pour la mise à disposition de sa documentation sur la 9ème Escadre. A Alain Crosnier pour ses photos.

Copyright: le groupe ‘La Neuf’ et escadrilles.org. Reproduction interdite.

Le groupe ‘La Neuf’ comprend : Alexandre, Paul Berger, Frédy Bornert, Michel Brisson, Daniel Jambot, André Lebas, Michel Léveillard, Fabrice Loubette, Jean Merlet, Gérard Schaub, Christian Théobald.