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Dogues et Scorpions au Cornouaille

40 ans de chasse à Cambrai

L’année 1952 vit la création de la 12ème Escadre de chasse sur le terrain de Cambrai Epinoy, sur Ouragan: en fin d’année le 1/12 Cambrésis et le 2/12 Picardie volaient sur MD.450. En 1955, la 12ème EC devint la première escadre en France à s’équiper de Mystère IVA … et c’est un nouvel EC 3/12 qui fut choisi pour inaugurer le nouveau chasseur de l’Armée de l’Air. L’escadron de chasse 3/12 Cornouaille fut en effet créé le 1er décembre 1954 à Mont-de-Marsan, sous les ordres du Capitaine Barreaud.

Pourquoi le Cornouaille choisit-il de nouvelles escadrilles, les Dogues et les Scorpions, au lieu d’adopter des escadrilles de traditions en déshérence ?
Mystère …

La création sur Mystère

Pour prendre en main cet avion, l’escadron disposa en premier lieu d’une notice technique manuscrite, et le CEAM prêta deux Mystère IVA pour lâcher les pilotes. Le 3/12 reçut son premier avion, le 4, un pré-série, le 18 mars 1955. C’est le 25 mai 55 que les patrouilles rouge, jaune, gris, vert, bleu et noir rallièrent la base aérienne de Cambrai, rejoignant ainsi le 1/12 Cambrésis et le 2/12 Picardie, volant toujours sur Ouragan.

Vu le jour de sa livraison, à Mérignac, le Mystère IVA tête de série

La première escadrille du Cornouaille, «Les Scorpions», était alors commandée par le Lieutenant Montagan, et la seconde, «Les Dogues», par le Lieutenant Saulnier. Les avions du Cornouaille étaient codés en 12-Ux,  le 1/12 retenant la série 12-Yx et le 2/12 la série 12-Zx.

Une activité soutenue

A compter de juillet 1955, le 3/12 fut chargé du vieillissement intensif des Mystère IVA dans le cadre de l’opération CORMY (pour CORnouaille et MYstère). De juillet à novembre, pendant que les autres escadrons terminaient leur transformation, le Cornouaille effectua 2502 heures de vol en 2565 sorties, avec l’aide d’une escadrille et de mécaniciens du 2/12.

Empruntée au site French Wings (où elle est visible en plus grand format), cette photo montre un Mystère IV ‘Tay’ du 3/12 Cornouaille en début de carrière

L’année 1956 vit le Cornouaille effectuer sa première campagne de tir à Cazaux, mais peu après le cours des choses fut influencé par la guerre d’Algérie: de juin 1956 à juin 1961 les pilotes allèrent à tour de rôle en Afrique du Nord exercer leurs talents sur T-6. La 12ème Escadre de chasse parraina en effet l’E.A.L.A. 5/72 «Les Daubes» de Colomb-Béchar.

A Cambrai-Epinoy, les réservoirs supplémentaires de 625 litres arrivèrent en avril 1957, pour donner aux Mystère un peu plus de souffle. Malheureusement les accidents continuaient à être fréquents sur Mystère IV : ainsi le Commandant Armand (abonné au 3/12) perdit la vie à bord du 12-UD (le n°14), le 18 avril, tandis que le Sergent-chef de Somow s’éjecta avec succès du ‘UA’ (le n°4), le 7 mai, après que son réacteur se soit éteint.

Empruntée au site French Wings (où elle est visible en plus grand format), cette vue montre un Mystère ‘Verdon’ du 2/12 Cornouaille

Toujours en raison du conflit algérien, le 2/12 Picardie disparut le 1er novembre 1957, une partie de son personnel rejoignant les rangs du 3/12. Et le 23 mars 1958, le Cornouaille devint 2/12, entérinant la disparition du Picardie: il s’octroya les codes en 12-Zx de l’escadron dissous. En juin 1958, emmenés par le Capitaine Tourniaire, cinq pilotes partirent convoyer des Mystère IVA en Inde. Sur les 24 appareils partis de Cambrai, 21 se poseront à Kampur (via Brindisi, Akrotiri, Bahrein, Karachi, Jodpur et New Delhi).

1959 : le 2/12 Cornouaille carbure au Super

Le 24 juillet 1959, le 2/12 dit adieu à ses Mystère IVA : la dernière patrouille bombarda symboliquement le parking du 1/12 d’archives coincées dans les aérofreins. Le 27 juillet marquait le début des lâchers sur Super Mystère B2.

La 1.EC 3/12 sur une dérive de SMB2 photographié en 1968 par Alain Gréa

En septembre 59 le 2/12 Cornouaille reçoit ses premiers appareils SMB2. En Algérie, la fusion de l’EALA 5/72 «Les Daubes» et de l’EALA 15/72 «Les Balbuzards» donnait naissance à un nouveau 3/12.

Les Super Mystère ‘alu’ restèrent la norme à Cambrai et Creil jusqu’en 1970

En avril 1960, le Sergent Fourquet obtint la première victoire aérienne du Cornouaille en percutant un Hunter belge en mission d’entraînement, chacun des deux pilotes s’éjectant au-dessus de son pays respectif. L’année 1964 fut marquée de deux pierres blanches : en mars 1964, les pilotes commencèrent à recevoir des pantalons anti-G, et mi-septembre pilotes et avions furent transformés sur Sidewinder.

Missions interalliées

En plus de sa mission au sein de l’OTAN, l’escadron assurait la défense aérienne du territoire et effectuait de nombreux échanges interalliés : Bitburg et Pferdsfeld en Allemagne, Leuchars en Ecosse, Valence en Espagne, Trévise en Italie, mais aussi l’Angleterre et la Norvège.

La 2.EC 3/12 sur une dérive de B2 en 1971 (camouflage européen)

En octobre 1967, Christian Marin, alias «Laverdure» vint rendre visite à l’escadron et dédicaça par la même occasion le cahier de marche du Cornouaille. Année 1971, premier B2 camouflé, style vietnamien, le 12-ZQ.

Premier avion camouflé au 2/12, le ‘109’ fut vietnamien en 1971

En octobre 1973, une panne d’huile sur réacteur suivie d’une éjection du Sergent Gallice provoqua l’arrêt des vols de la flotte des SMB2.

Les couleurs de traditions du 2/12 Cornouaille sur ce SMB2 vu en 1971 … avec un célèbre clocher !

1976 : un successeur pour le SMB2

Le 31 mai 1976, les dernières patrouilles de Super Mystère B2 du Cornouaille décollèrent, marquant ainsi la transformation sur un avion encore plus moderne … cette fois, le Cornouaille a le privilège de sauter une génération, en passant du SMB2 au Mirage F-1C.

Un ‘Raton’ vu à Frescaty probalement lors d’un Datex, en 1973 ou 1974

Ces patrouilles étaient composées des Raton Kilo, CDT Beliaeff, SGC Cuille, CNE Cognée et CNE Louvion et des Raton Lima, CNE Amberg, LTT Desbordes, LTT Ruiz, CNE De Grivel.

Toujours à Frescaty, ce B2 nous montre son rail à Sidewinder (beaucoup de trainée pour pas grand chose)

Dès septembre 1975, les premiers mécaniciens de l’escadron étaient partis à Reims à la découverte de la nouvelle monture, et en février 1976, les deux premiers pilotes arrivaient à l’ETIS, puis se firent lâcher à la 30ème Escadre de chasse. Le 1er avril, le Cornouaille réceptionna son premier Mirage F-1C et dès le 1er septembre, l’escadron volait de façon autonome sur la BA 112.

En 1979, le 2/12 Cornouaille participe aux missions du Tiger Meet

Le 1er octobre 1976, les Mirage F-1C du Cornouaille atterrirent à Cambrai leadés par le Général Bret … tandis que l’escadre fêtait ses 152 000 heures sur SMB2. C’est en 1977 que l’escadron effectua sa première campagne de tir air/air sur Mirage F-1C, à Solenzara.

Vu côté ‘Dogue’, le F-1C ’38’ est dépourvue de détecteurs de menaces sur la dérive

A la fin de l’année, l’escadron disposait de 15 F-1C dont neuf équipés de volets de combat. En 1979, le Mirage F-1 commença à recevoir des détecteurs électro-magnétiques.

Vu ici à Istres, ce F-1 du Cornouaille redevenu 3/12 arbore encore sa déco années 70

Le 1er juin 1980, le Cornouaille reprit sa numérotation d’origine à savoir 3/12 : en effet, le Picardie reprenait sa place au sein de la 12 après 23 ans d’absence.

Toutefois, le Cornouaille conserva ses codes en 12-Zx, le nouveau venu se voyant attribuer la série 12-Kx. Le 18 décembre, le Général Archambeaud, ancien du Cornouaille, célèbra au 3/12 le mariage du Mirage F-1C et du missile Super 530F.

Super 530F et lance-leurres pour ce F-1 de passage à Mont-de-Marsan en 1990

Des Opex

A partir de septembre 1983, dans le cadre d’une participation aux missions de la Force d’Action Rapide, les pilotes acquirent l’aptitude au ravitaillement en vol … et l’année 1984 marqua le début des participations aux opérations extérieures en escadron constitué: direction l’Afrique et l’opération Manta à N’Djamena.

En 1986, le 3/12 Cornouaille vole toujours sur des F-1 non ravitaillables, tel le 85

Ce détachement prendra un peu plus tard l’appellation Epervier, en conservant le même cadre.

Le ’78’, décollant pour une présentation lors du meeting du Tiger Meet de 1986

En décembre 1990, un nouveau théâtre d’opérations fut désigné pour le 3/12 lors de la guerre du golfe : le Qatar où nos Mirage F-1C furent stationnés dans la capitale, Doha. Le Cornouaille en revint grandi d’une «Citation à l’ordre du corps aérien comportant l’attribution de la croix de guerre des théâtres d’opérations extérieurs avec étoile de vermeil».

Photographié au dessus du Tchad en 1988, le ‘261’ porte ses Magic

En 1993, le LTT Condé et le CNE Sarrazin assurèrent brillamment, en France et à l’étranger, la présentation Bravo du Mirage F-1C. En avril 1994, la coupe air-air de Défense Aérienne fut remportée par le Cornouaille, grâce aux talents du CDT Merret et du LTT Talichet qui composaient la patrouille victorieuse.

Egalement en 1988, le ‘254’ assure la supériorité aérienne en Afrique sahélienne

Notons que durant les années 1991 à 1995, des personnels de l’escadron furent détachés sur des théâtres d’opérations à titre individuel : des mécaniciens en renfort à la 33ème Escadre de reconnaissance pour Crécerelle et Aconit, des pilotes en tant que tasker à Aconit, Crécerelle et Alysse, et enfin trois contrôleurs avancés en ex-Yougoslavie.

Le 3/12 vola sur F-1B à partir du début des années 90 (photo Grivel-Delillaz)

Au cours d’un peu plus de quarante ans, le Cornouaille, au travers de ses pilotes et de ses mécaniciens, porta toujours haut et fier les couleurs de l’Armée de l’Air sous tous les cieux que ses avions ont traversés de part le monde.

Né avec les débuts de la Guerre Froide (la vraie), l’escadron de chasse 3/12 Cornouaille s’éteignit le 20 juin 1995 … le monde se réveillait avec la promesse d’une paix éternelle … Il emportait avec lui deux escadrilles magnifiques qui nous manquent encore, les Dogues et les Scorpions, mais qu’on espère revoir un jour sur des dérives d’avions, ou pourquoi pas, de drones …

Les détachements

26 juin 1984 au 21 août 1984              MANTA
26 décembre 1986 au 28 février 1987       ÉPERVIER
25 juillet 1988 au 24 septembre 1988      ÉPERVIER
3 juin 1989 au 29 juillet 1989            ÉPERVIER
14 avril 1990 au 16 juin 1990             ÉPERVIER
20 décembre 1990 au 17 mars 1991          METEIL
30 juillet 1991 au 5 octobre 1991         ÉPERVIER
23 décembre 1991 au 17 février 1992       ÉPERVIER

Frescaty : petit signe de tête amical à ‘ceux de l’autre côté du grillage’ …

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Remerciements: cette chronique du Cornouaille est fortement inspirée d’une plaquette commémorative réalisée pour la dissolution de l’escadron (Rédaction: LTT Lefondre – SGT Auduc – SC Morlaye). © Escadron 3/12 Cornouaille.