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Dassault Mirage IIIE

Mirage IIIE 1969 3-IC

Le IIIE, premier chasseur polyvalent

Une évolution du Mirage IIIC

Au début de l’année 1958, lors de la conception du Mirage III, plusieurs versions sont envisagées: le B, le C, le A, version tactique et le D dit “ de représailles ”, appellation pudique du vecteur nucléaire, la bombe emportée pouvant être américaine ou française. Dès fin 58, l’état-major, au vu des performances de la version A et des munitions employables, décide d’arrêter le développement de la version A, tandis qu’en 59, les restrictions budgétaires sonnent le glas de la version D au profit de l’amélioration de la version C à partir du 100ème exemplaire livré, le Mirage IIIC’ emportant un radar Cyrano II, un radar Doppler, un Atar 9C. Avec une cellule allongée et un empattement de train agrandi, cette version prend le nom de IIIE après une ultime modification concernant l’emport de carburant.

Mirage IIIE du 1/13 en vol 1978

Mirage IIIE du 1/13, tout à son aise en intercepteur haute altitude

Entre temps, l’Australie cherchant à remplacer ses Sabre, a fait un appel d’offres; après essais il s’avère que le Mirage III est satisfaisant moyennant l’emport d’un radar Doppler et éventuellement d’un moteur anglais. L’avion ainsi modifié, reférencé IIIO et baptisé ‘city of Hobart’ vole pour la première fois le 13 février 1961. Le moteur n’étant finalement pas satisfaisant, le gouvernement australien passera commande d’un avion avec Atar 9C possédant les mêmes caractéristiques que le défunt IIID. Cette expérience sera précieuse pour Dassault dans la conception des prototypes de IIIE pour la France.

Mirage IIIE du 1/3 en 1978

Mirage IIIE du 1/3 en 1978: gros plan sur le radome du Doppler

Prototypes et essais

Début février 1960, 4 Mirage IIIC sont prélevés sur la chaine de production en vue d’être transformés en prototypes de IIIE. Leur fuselage est allongé de 30 cm, les trains et la voilure sont renforcés. Le 5 avril 61, Jean Coureau exécute le premier vol du IIIE 01, d’où il ressort que la post-combustion est plus efficace et plus progressive grâce à la tuyère a volets multiples. La présence d’une sifflement persistant durant tout le vol entrainera des modifications aussi nombreuses qu’inutiles sur l’avion au cours des tests. Au cours de son deuxième vol le prototype passe Mach 2 et monte à 50000 pieds.

Mirage IIIE du 3/2 en 1980 avec le moteur fusée

Mirage IIIE du 3/2 en 1980 avec le moteur fusée allumé

Septembre 1961 voit l’installation d’une fusée SEPR qui permettra même d’atteindre 75000 pieds. Après 70 vols l’avion est unanimement jugé supérieur au IIIC: il entre en révision, au cours de laquelle seront installés une rampe d’essai de conteneur atomique, une autocommande (conservateur de paramètres) et des améliorations au niveau des commandes de vol.

Mirage IIIE du 1/3 en vol

Patrouille de Mirage IIIE du 1/3

Début 1963 ont lieu les essais d’armements et de bidons. Le prototype 03, qui n’est autre que l’ex-prototype de IIIO reconditionné, vole en 1962, tandis que le prototype 02, censé figurer l’exemplaire de série, vole le 2 juillet 62: il s’avère que contrairement à ses prédécesseurs on n’observe aucun sifflement durant le vol, et ce sans explication … Il servira principalement à valider des essais de tir canon et les simulations d’entretien opérationnel.

Mirage IIIE du 1/4 en 1971

Mirage IIIE du 1/4 en 1971: premiers avions camouflés

Mise en service

Les 10 premiers exemplaires du Mirage IIIE sont remis au CEV et au CEAM début 1964 pour la poursuite des essais et la validation des différents armements, tandis que les exemplaires suivants sont livrés à la 13ème Escadre de Chasse. Le début de l’année 65 est consacré à la transformation de la 13ème escadre, facilitée par l’expérience acquise par la majorité des pilotes sur IIIC, en service depuis 3 ans à la 13.

Mirage IIIE du 1/13 en 1972

Mirage IIIE du 1/13 en 1972: la 13, première escadre sur IIIE

Fin-1965 commence la transformation de la 3ème Escadre de Chasse, jusqu’alors sur North American F-100, sans anicroche bien que le contraste entre les deux machines soit important: le Mirage est plus léger et plus rapide que le chasseur-bombardier américain, mais celui-ci est déjà d’un niveau technologique avancé.

Mirage IIIE du 2/3 en 1973

Mirage IIIE du 2/3 en 1973 vu avec le premier camouflage

La 4ème Escadre de Chasse termine sa transformation sur IIIE en septembre 1966: dès octobre les Mirage commencent à remplacer les F-84F Thunderstreak du « La Fayette ». Les livraisons connaitront quelques aléas en raison des grèves chez Dassault, et les mécaniciens auront fort affaire pour maintenir une activité opérationnelle digne de ce nom.

Mirage IIIE du 2/4 en 1971

Mirage IIIE du 2/4 en 1971: la mission AN52 est arrivée après 1972

Pour ce qui est de la 2ème Escadre de Chasse, après avoir volé 7 ans sur Mirage IIIC, elle commence en juin 1968 sa transformation sur IIIE et vole a partir d’août sur des avions prêtés par la 13. En octobre lui parviennent les premiers avions neufs.

Mirage IIIE du 1/2 en 1972

Mirage IIIE du 1/2 en 1972, avec des JL-100

Cinq ans après le début de la production, un total de 182 avions auront été livrés à l’Armée de l’Air. Des sous-versions du Mirage IIIE ont été livrés à différents pays, où certains sont encore en unités de nos jours: Mirage IIIEA pour l’Argentine, Mirage IIIEBR pour le Brésil, Mirage IIIEE pour l ‘Espagne, Mirage IIIEL pour le Liban, Mirage IIIEP pour le Pakistan, Mirage IIIEV pour le Venezuela, Mirage IIIEZ pour l’Afrique du Sud, Mirage IIIO pour l’Australie.

Dimensions, masse, motorisation, performances

Le Mirage IIIE un monoréacteur à aile delta d’une surface de 34,8 m², d’envergure 8,22m de longueur 15,02m, d’une hauteur de 4,50m. Il pèse 7050 kg à vide et peut atteindre au maximum 13500 kg au décollage à pleine charge.

Mirage IIIE du 1/3 en vol

Mirage IIIE du 1/3 en vol, avec les 1700 litres

Son moteur est un Atar 9C, variante de l’Atar 9B du Mirage IIIC, duquel il diffère par la présence de volets multiples en sortie de tuyère et la présence d’un démarreur autonome, ainsi que par un mécanisme du survitesse du moteur permettant un augmentation de la poussée à haute vitesse. Poussée plein gaz sec 4300 kg, en pleine PC 6400 kg.

Mirage IIIE du 2/3 en vol

Mirage IIIE du 2/3 en vol, également avec les gros réservoirs

Le IIIE dispose en option d’un moteur fusée SEPR 844 pouvant fournir une poussée supplémentaire de 1500 kg; par rapport à la version emportée par le IIIC il y a un avantage indéniable: son carburant est du kérosène au lieu d’être du TX-2; le comburant reste de l’acide nitrique.

Mirage IIIE du 3/3 en vol

Mirage IIIE du 3/3 en vol, avec le pod CME Barracuda

Il est capable d’atteindre Mach 2,1, et son plafond sans fusée est de 60000 pieds, 80000 avec fusée. Étant donné que sa vocation est la polyvalence, il est légèrement moins maniable que le IIIC mais reste néanmoins un avion performant en combat tournoyant. Sa structure est d’une solidité impressionnante: on a vu des exemplaires sortir de manœuvre d’urgence en ayant oscillé entre +19 et -15G et ne nécessitant que peu de réparations pour les rendre opérationnels.

Le Mirage IIIE est d’un pilotage jugé « facile », sain sur tout le domaine de vol, malgré une vitesse d’approche élevée (190 nds). L’emport de carburant interne n’est que de de 3975 litres (y compris la soute arrière, à la place du moteur fusée, mais non compris le réservoir pouvant remplacer le chassis canons), pour un réacteur qui consomme plus de 250 l/min en pleine PC, l’autonomie est donc assez faible. Mais, dans la plupart des missions, le IIIE emporte une paire de bidons supplémentaires: soit 2 x 500 l (supersoniques, non largables), soit 2 x 600 l, soit 2 x 1300 l, soit 2 x 1700 l.

Mirage IIIE du 3/3 en 1990

Mirage IIIE du 3/3 en 1990: un avion « sain »

Le système de Navigation et d’Attaque (SNA)

Le SNA du IIIE est beaucoup plus évolué que celui de son prédécesseur: il dispose des instruments de pilotage classiques, d’un radio altimètre et d’un TACAN. Son équipement opérationnel se compose d’un radar Cyrano IIB qui possède en air-air une portée de 27 nautiques et en air sol d’une portée de 50 nautiques, d’un radar Doppler de navigation efficace jusqu’à 1300 nds indiquant en permanence l’écart de route.

Mirage IIIE du 1/3 en 1978

Mirage IIIE du 1/3 à Ochey en 1978

Il dispose en outre d’un viseur en liaison avec le radar, de deux détecteurs de radar directionnels, d’une caméra logée à l’arrière de l’avion et éventuellement de dispositifs de contre-mesures acrochables sous voilure.

Mirage IIIE du 1/3 en 1983 avec Phimat

Mirage IIIE du 1/3 en 1983 avec lance-leurres Phimat

Les missions du IIIE

Mirage IIIE de la 3

Mission d’interception et supériorité aérienne

Armement de base: deux canons DEFA 30mm en interne, 125 obus chacun. Pour l’interception pure, l’armement externe se compose seulement d’un Matra 530 sous le fuselage.

Mirage IIIE du 3/2 en 1984

Mirage IIIE du 3/2 en 1984, configuration interception

A ceci peuvent être rajoutés 2 bidons supersoniques de 500 l en point d’emport aile intérieur, et 2 Sidewinder ou 2 Magic en point aile extérieur pour la défense ou la supériorité aérienne. En version chasse tactique, deux bidons de 1300 l largables peuvent être substitués aux bidons supersoniques.

Mirage IIIE en lisse en 1984

Mirage IIIE en lisse, configuration utilisée pour la formation ou les vols de réception

Pénétration basse altitude et assaut conventionnel

Pour la pénétration, le IIIE pouvait être équipé, en plus de deux canons internes, d’un missile AS-30, ou un AS-37 Martel, ou d’une une poutre lance bombes en point d’emport ventral. Des bidons de 1300 ou de 1700 l sont emportés en point d’aile intérieur, et des missiles d’autoprotection en point d’emport aile extérieur.

Mirage IIIE en 1988 avec gros bidons

Mirage IIIE avec gros bidons: config courante à Nançy et Luxeuil

Pour la mission d’appui tactique, en plus des canons, il peut emporter un AS-30 ou un adaptateur lance bombes en point ventral, de JL100 (composé d’un lance roquettes dans sa partie avant et d’un réservoir de carburant dans sa partie arrière) en point intérieur de voilure. Des missiles d’auto-protection ou éventuellement des lance-roquettes en point extérieur de voilure, ou éventuellement des pods de contremesures.

Mirage IIIE du 2/3 en 1988 avec Martel

Mirage IIIE du 2/3 avec Martel: « ouverture du corridor »

Ultime avertissement nucléaire

Le IIIE emporte alors une bombe nucléaire AN52 en point d’emport ventral et des bidons de 1300 ou de 1700 l en point d’emport intérieur de voilure. Des Sidewinder ou des Magic en point d’emport extérieur de voilure, pour l’autodéfense, ou éventuellement des pods de contremesures.

Mirage IIIE du 2/4 en 1986

« Dauphiné » et « La Fayette »: chargés de l’ultime avertissement

Retrait du service et successeurs

La Deux est la première escadre à perdre ses IIIE comme elle avait été la dernière à les toucher: au cours de l’année 1984, les IIIE sont progressivement retirés pour être réformés ou redéployés dans d’autres unités. Elle reçoit à la place des Mirage 2000C propres à assurer la mission de défense aérienne (fin des vols sur IIIE en août 1985).

Mirage IIIE du 3/2 en 1984

Mirage IIIE du 3/2 en 1984: la fin des IIIE de Dijon approche

L’escadre suivante est la Quatre, qui au long de l’année 88 voit ses IIIE remplacés par des Mirage 2000N (fin des vols sur IIIE en novembre 1988).

Mirage IIIE du 1/4 en 1986

Mirage IIIE du 1/4 en 1986: deux ans avant l’arrivée du 2000N

Vient ensuite la 13ème Escadre, qui après 27 ans d’emploi sans interruption du Mirage IIIE, avec sur la fin des disponibilités atteignant les 98%, voit remplacer ses IIIE par des Mirage F-1CT propres à la mission tactique (fin des vols sur IIIE en juillet 1992).

Mirage IIIE du 1/13 en 1978

Mirage IIIE du 1/13 en 1978 (JPO de St-Dizier)

La dernière unité à avoir volé sur IIIE est la 3ème Escadre, où les IIIE sont remplacés durant les années 93 et 94 par des Mirage 2000D. C’est le 3/3 Ardennes qui est le dernier escadron à voler sur Mirage IIIE (fin des vols en juin 1994).

Mirage IIIE du 3/3 en 1993

Mirage IIIE du 3/3 en 1993

Copyright: Jean et escadrilles.org

Référence: Le Mirage IIIE dans l’Armée de l’Air (Chenel, Moreau & Audouin, DTU 2004)