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Le Jaguar dans l’Armée de l’Air

Jaguar du 1/7 en avril 1994 7-HF

Le SEPECAT Jaguar

Le SEPECAT Jaguar est issu d’un protocole d’accord signé en mars 1964 entre la France et le Royaume-Uni: la Société européenne de production de l’avion ECAT (Ecole de Combat et Avion Tactique) réunit la société Breguet et la British Aircraft Corporation (BAC). La co-entreprise SEPECAT est chargée de concevoir puis de fabriquer en série le futur avion. Un peu plus tard, la société Dassault racheta Breguet Aviation et pris en charge le programme Jaguar.

Les formes d'un Jaguar vu de face en 1991

Les formes d’un Jaguar vu de face en 1991

La conception du Jaguar alla finalement assez vite: il y eut 8 prototypes. Les premiers prototypes de chaque type volèrent le 8 septembre 1968 (Jaguar E 01, 1° biplace français), le 23 mars 1969 (Jaguar A 03, 1° monoplace français), le 12 octobre 1969 (Jaguar S 01, 1° monoplace britannique), le 14 novembre 1969 (Jaguar M 05, pour la Marine française), et le 30 août 1971 (Jaguar B 08, biplace britannique).

Vue 3/4 arrière d'un Jaguar du 2/11 de retour d'une mission en Bosnie (1993)

Vue 3/4 arrière d’un Jaguar du 2/11 de retour d’une mission en Bosnie (1993)

La France et le Royaume-Uni commandèrent chacun environ 200 avions, répartis en 160 monoplaces et 40 biplaces pour la France, et 165 monoplaces et 38 biplaces pour le R-U, les avions étant assemblés sur deux chaînes distinctes.

Jaguar E du CEAM vu en finale en 1986

Jaguar E du CEAM vu en finale en 1986

Les premiers Jaguar sont sous-motorisés, avec leurs réacteurs Adour 101 de 2470 kg/3400 kg de poussée, rapidement remplacé par des Adour 102  dotés d’une postcombustion « modulée »: la PC peut s’enclencher progressivement dès 80 % de la poussée maximale à sec. Alors que les Jaguar français resteront un peu handicapés par ces réacteurs Mk102 plutôt poussifs, les Anglais adopteront par la suite des versions plus puissantes de l’Adour (2700 kg/3750 kg).

Jaguar RAF ravito

Les Jaguar de la RAF avaient un ensemble de navigation plus sophistiqué

Avion d’entraînement tactique devenu avion d’attaque au sol, le Jaguar a été pensé pour la pénétration des défenses adverses (le Pacte de Varsovie) à basse altitude. Doté d’un système de navigation Doppler, le Jaguar est dépourvu de radar, ce qui le rend moins performant que le Mirage IIIE en mode suivi de terrain basse altitude.

Avion du 4/11 au Tchad en octobre 1987 montrant le cockpit bien protégé du Jag

Avion du 4/11 au Tchad en octobre 1987 montrant le cockpit bien protégé du Jag

Par contre, gros avantage, le « Jag » est ravitaillable en vol, ce qui en fait un avion très facilement projetable en opérations lointaines, au contraire des Mirage de première génération. De plus, il est étudié spécifiquement pour pouvoir opérer depuis des terrains sommaires (vitesse en finale modérée de 140 kts, train d’une robustesse proverbiale, pneus basse pression, freinage efficace).

Deux avions du 1/7 en finale en 1994, avec camouflage Irak et centre-Europe

Deux avions du 1/7 en finale en 1994, avec camouflage Irak et centre-Europe

Les formes un peu complexes du félin franco-britannique traduisent peut-être les compromis entre ses deux géniteurs. En tout cas, une assez grande capacité en carburant (4200 litres internes), des réacteurs à double flux, et une voilure finement travaillée en font un avion d’assaut très performant pour l’époque.

La mission Martel, assurée par le 3/3 puis le 1/7

La mission Martel, assurée par le 3/3 Ardennes puis le 1/7 Provence

Le Jaguar est doté d’une grosse capacité d’emport à son poids maximal au décollage (15 000 kg). De plus, une fois débarrassé de son chargement, le Jaguar jouit d’une bonne manoeuvrabilité dans le domaine de la basse à moyenne altitude.

Jaguar du 3/7 en lisse à moyenne altitude (1990)

Jaguar du 3/7 en lisse à moyenne altitude (1990)

Les Jaguar ont été déployés dans un nombre record de théâtres d’opération du milieu des années 70 au milieu des années 2000. Ces qualités intrinsèques et le haut standard d’entraînement en vigueur en France et au Royaume-Uni vont faire du « Jag » un vecteur unanimement apprécié dans sa mission.

Deux Jaguar en PS en BA près du pic Saint-Loup en novembre 1988

Deux Jaguar du 3/11 en PS en BA près du pic Saint-Loup en novembre 1988

Tant et si bien que les Indiens modernisent encore aujourd’hui leur flotte de Jaguar (l’Inde a été le principal client export du Jaguar, avec un total de 177 exemplaires, approximativement). Cinq escadrons en sont dotés.

L'Indian Air Force mise beaucoup sur le potentiel de ses Jaguar

L’Indian Air Force mise toujours beaucoup sur le potentiel de ses Jaguar

Le Jaguar a connu quelque succès à l’exportation, sous l’impulsion des Britanniques: outre l’Inde, l’Equateur (12 ex), le Nigeria (18 ex), le Sultanat d’Oman (24 ex), commandèrent des Jaguar dérivés du modèle S. Ce dernier utilise toujours le Jag au sein de deux escadrons.

Le Sultanat d'Oman fait partie du club des utilsateurs de Jaguar

Le Sultanat d’Oman fait partie du club des derniers utilisateurs de Jaguar, avec l’Inde

Dans le même temps, Dassault commercialisait les Mirage V ou F-1, ce qui entravera peut-être des ventes plus importantes du Jaguar.

Jaguar_Mirage_FAE

L’Equateur a été courtisé à la fois par BAC et Dassault …

Deuxième partie:

Les Jaguar français

Le premier Jaguar de série fut admis au CEAM le 4 mai 1972, et introduit en unité opérationnelle le 24 mai 1973, lorsque 6 avions (4 monoplaces et 2 biplaces) du 1/7 Provence touchèrent la piste de la base de St-Dizier.

Biplace E27 du 2/7 Argonne vu en 1992 à St Dizier

Biplace E27 du 2/7 Argonne vu en 1992 à St Dizier

Dans l’Armée de l’Air, le Jaguar se vit confier un panel de missions très étendu, selon les unités considérées:
– frappe nucléaire tactique avec la bombe AN 52 (7ème Escadre),

Jaguar 1976 7IH AG

La première mission du Jaguar fut la frappe nucléaire tactique

– attaque au sol classique à l’aide d’une panoplie de bombes, roquettes, …,
– attaque de précision avec des armes guidées laser (missile AS-30L, bombes guidées laser),
– attaque anti-radar avec le missile AS 37 Martel (EC 3/3 Ardennes),
– guerre électronique avec des pods externes CT 51 de brouillage (EC 2/11 Vosges),

Jaguar 2002 11-MB JFL

Vu en 2002, ce Jaguar du 2/11 dans sa mission de brouillage offensif

– reconnaissance avec sa caméra Omera 40 ou le pod ventral RP 36P contenant 3 caméras)
La mission secondaire peut également être la défense aérienne de zone, à basse altitude.

Jaguar_A041_7HE-HG_1994

Deux Jaguar du 1/7 en 1994, l’un sans télémètre et l’autre, avec

Les Jaguar A de l’Armée de l’Air ont subi relativement peu de modifications significatives tout au long de leur carrière:
– montage du télémètre laser (à partir du A 81),
– mise en compatibilité avec la nacelle Atlis (à partir du A 131),
– introduction d’un pilote automatique à fonctionnalité limitée,
– adjonction d’un GPS permettant de recaler le système de navigation Doppler.

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Deux canons et une perche « humide » pour les Jaguar E, ici un avion du 2/11

Les Jaguar E possèdent les deux canons, mais sont dépourvus du système de navigation Doppler et des équipements pour tirer des armes guidées.

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Jaguar E38-7PM avec son camoufflage « Red Flag » en 1988

Le Jaguar a connu un taux d’accident assez modéré sous les couleurs françaises, compte-tenu de son emploi dans des missions assez exposées (basse altitude, mauvais temps, opérations extérieures): on dénombre 47 Jaguar A et 10 « E » détruits en accidents aériens, soit 30% de la flotte en plus de trente années de service.

Jaguar A97-11RH 1983_jy

Avion du 3/11 Corse en 1983

Une partie de l’attrition est due au feu ennemi (trois avions perdus: en 1984 et 1988 au Tchad, en 1991 en Irak). Dans plusieurs cas, le retour au sol « en douceur » du Jaguar résultat de la configuration bimoteur de l’appareil.

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Pour le Jaguar, la guerre du Golfe marque un tournant opérationnel

L’Armée de l’Air a retiré ses derniers Jaguar du service le 1er juillet 2005.

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Le 1/7 fut fidèle au Jaguar d’un bout à l’autre de sa carrière

En Opex

Les Jaguar français ont été engagés lors de nombreuses opérations extérieures:
– de novembre 1977 à mai 1978, depuis Dakar, contre les colonnes du Front Polisario, alors en conflit avec la Mauritanie (Opération Lamantin).
– d’avril 1978 à début 1980, au Tchad, pour soutenir le gouvernement en place contre les rebelles du FroLiNaT (Opération Tacaud). Au moins 4 avions et 2 pilotes sont perdus durant ces opérations, pour cause d’accident ou sous le feu ennemi.

Jag sable 11-MF au dessus du Tchad près d'Abéché 03/88

Jaguar 11-MF au dessus du Tchad près d’Abéché en mars 88

– en 1983/1984 au Tchad dans le cadre de l’Opération Manta. Le 25 janvier 1984, un avion est abattu par un canon anti-aérien alors qu’il survole une colonne rebelle, son pilote est tué.
– en 1986/1987 au Tchad dans le cadre de l’Opération Epervier, avec notamment le célèbre raid sur la base aérienne libyenne de Ouadi-Doum, entrepris le 16 février 1986 depuis Bangui (Centrafrique), et un autre contre les installations anti-aériennes de cette même base le 7 janvier 1987.

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EnTBA au dessus du Tchad en 1988, cet avion du 4/11 Jura

– en août-septembre 1986 au Togo, avec de simples démonstrations pour soutenir le gouvernement en place.
– lors de la guerre du Golfe, les Jaguar mènent la première mission offensive de l’Armée de l’Air, contre la base koweïtienne d’Al-Jaber. Quatre avions sont touchés par des tirs de DCA après avoir survolé à basse altitude un PC irakien puissamment défendu mais non renseigné lors du briefing. Les missions suivantes se feront à moyenne altitude. Les Jaguar français effectueront au total 615 sorties et 1088 heures de vol lors de Desert Storm.

Jag sable A107 11-MV au dessus de la Bosnie 02/93

Jaguar A107 11-MV au dessus de la Bosnie 02/93, couleur sable

– en 1993/1994, en Turquie, pour des missions de reconnaissance sur le nord de l’Irak dans le cadre de l’opération Provide Comfort.
– en 1994, au Rwanda, en support de l’Opération Turquoise faisant suite au génocide des Tutsi.
– de 1993 à 1999 lors des différentes opérations liées à la guerre de Bosnie puis du Kosovo.

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Comme ce Jag du 3/7 en juin 1994, des avions gardèrent longtemps un camouflage désert

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Remerciements: à Jean-François Lipka et Michel Jamar, pour des clichés de grande qualité.

Référence: Jaguar, le félin en action. Alain Vézin, ETAI Editions: 264 pp.