Le programme Rafale est une réalité pour l’Armée de l’Air depuis la livraison du B 304 au CEAM, le 22 décembre 2004.
Le développement fut long mais, quoique puissent affirmer les détracteurs du programme (il y en eut beaucoup), l’avion est une réussite unique: correspondant parfaitement aux besoins exprimés par l’Armée de l’Air et la Marine, l’avion national réussit la prouesse d’être à la fois un bombardier stratégique, un chasseur omnirole … et un avion naval ! Un seul avion de combat dans les forces, c’est ce qu’on voulait.
La cible globale retenue par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 est de 225 aéronefs en parc (cible diminuée, puisque la cible retenue dans le LB précédent était de 286 appareils), ce chiffre comprenant la Marine. Cette cible suggère que le parc de l’Armée de l’Air est limité à 180 avions de chasse, au mieux, dotation comprenant au terme de la LPM 2014-2019 des Rafale, des Mirage 2000-5 et des Mirage 2000D (et des 2000B bien entendu).
Après 2023, le parc de chasseurs-bombardiers de l’Armée de l’Air ne sera plus composé que de Rafale et de 2000D rénovés. Après 2030, on aurait un total de 180 Rafale, cela pourrait faire au mieux huit escadrons à 20 avions, ou sept escadrons à 20 avions et deux à 10 avions (etc), le reste étant en réserve ou en grande maintenance. Mais d’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts.
Le standard actuel est le F3O-T4 (= tranche 4) et inclut un radar AESA, un détecteur de menace DDM-NG, une nouvelle optique frontale OSF-NG, un Spectra remis à niveau. Il concerne les avions sortis d’usine à compter de juillet 2013. Le 120e Rafale, dernier avion de la troisième tranche de production, a été livré en juin 2013.
Les travaux de développement du nouveau standard F3R (lancés depuis fin-2013) continuent. Ce standard permet notamment la prise en compte de nouveaux emports (en particulier le missile Meteor et le pod de désignation laser NG) et des évolutions nécessaires pour faire face aux nouvelles menaces.
A plus long terme, un Rafale F4 verra le jour, ce sera vraisemblablement un avion différent.
Pas facile de mettre tous les chiffres d’accord mais on aurait 152 Rafale réellement commandés (dont les derniers sont en cours de fabrication), l’engagement de commande concernant 180 avions pour une cible d’acquisition totale de 225 appareils (Livre Blanc de 2013). La LPM 2014-2019 prévoyant la livraison sur la période de 26 nouveaux Rafale, les 152 appareils devraient avoir été livrés en 2019, dont 11 en 2015, et les quatre derniers en 2016 (ces chiffres comprennent 2 Rafale M). Il n’y a pas de livraison prévue en 2017, 2018 et 2019.
A la fin de l’année 2014, 137 Rafale ont été livrés, dont 97 Rafale Air et 40 Rafale Marine. Pour ce qui des aviateurs, 45 Rafale C ont été pris en compte par l’AA (le 101 restant au CEV) et 48 Rafale B (le 316 a été détruit, et deux appareils sont au CEV). Sur 97 Rafale ‘Air’, environ 90 seraient en escadron, les autres en stockage à long terme ou en maintenance 3e niveau. Les escadrons volant sur Rafale sont au nombre de 5: ECE 5/330 Cote d’Argent– EC 1/7 Provence – EC 1/91 Gascogne – EC 3/30 Lorraine – EC 2/30 Normandie-Niemen – ETR 2/92 Aquitaine.
Dernier escadron à entrer en lice, le Normandie-Niemen sera bientôt rejoint par un escadron-frère à Marsan
A raison de 20 avions par escadron, et en comptant que le ‘Côte d’Argent’, le ‘Lorraine’ et l’ETR ‘Aquitaine’ ont de petites dotations (environ 6 avions), on voit que la flotte en parc permettrait en principe de débuter l’équipement du 5e escadron opérationnel. Cependant, en observant les chiffres de la disponibilité année après année, on se rend compte qu’une proportion non négligeable des Rafale sont des ‘avions de hangar’. Non que l’on ne sache pas les réparer, mais l’approvisionnement en pièces de rechange (c’est-à-dire les budgets alloués à la maintenance) est insuffisant pour assurer une bonne disponibilité à la fois en opex et en métropole (dispo opérationnelle: 60% pour 2013 d’après un avis du Sénat).
La disponibilité du Rafale s’est bien améliorée dans les calculs, mais des avions restent dans les hangars faute de pièces
Le Rafale a montré ses capacités dans des missions d’appui rapproché en Afghanistan (2007, puis 2009 à 2011), et également lors de missions d’interdiction ou strike en Libye (Harmattan) puis au Mali (Serval), et en missions de reconnaissance. Depuis 2013, les Rafale sont constamment utilisés en opérations, toujours en air-sol.
Si les missions de guerre furent officiellement toujours accomplies avec une suprématie aérienne acquise (Libye), il ne fait guère de doute que l’avion est effectivement capable d’entrer en premier sur la plupart des théâtres, d’y défaire un adversaire aérien avant de délivrer son chargement fatal à l’endroit voulu. Mais le maintien de cette capacité n’est garanti qu’au prix de développements constants de ses moyens de défense et de pénétration, d’où le prochain standard F3R.
Ce prochain standard permettra aussi la mise en service du nouveau pod de visualisation et de désignation, en remplacement du Damoclès: les missions CAS, x-AI ou SCAR demandent en effet une précision accrue dans l’identification des objectifs d’opportunité.
En faisant l’hypothèse de 44 avions marins livrés à l’issue du contrat actuel (2016), il resterait 108 Rafale B et C, soit 104 avions en parc pour l’Armée de l’Air. Pour faire simple, on peut tabler sur une flotte de 100 avions affectés dans les ESTA, pour tous les escadrons. On sait déjà que le 5ème escadron opérationnel sera le 2/4 La Fayette, des FAS.
Cependant, le ‘La Fayette’ célèbrera son centenaire en 2016; malgré toutes les contraintes qui pèsent sur l’aviation militaire dans notre pays, il est douteux que l’on choisisse de minimiser un tel événement. Pour la même raison, il sera judicieux de présenter l’escadron centenaire sous un jour favorable, c’est-à-dire pleinement opérationnel. Ce serait donc avec ses Mirage 2000N-K3.
Donc, les 15 Rafale produits en 2015 et 2016 risquent fort d’entraîner une augmentation du nombre d’avions stockés … A moins que ? D’autres hypothèses sont possibles. L’évolution de la situation dépend aussi des marchés à l’export. Dans l’hypothèse de la concrétisation des prospects en cours, les livraisons nationales interrompues en 2016 reprendraient après 2019. Elle concerneraient donc le standard F3R.
En cas de non réalisation des objectifs d’exportation du Rafale, l’État se serait engagé contractuellement à acquérir onze appareils par an (est-ce un engagement réel ? si oui, est-il révisable ?) … Le cycle de fabrication de l’avion dépassant largement la durée d’une année, Dassault passe déjà des commandes à ses sous-traitants pour l’année 2016. Au niveau de la fabrication de l’avion, nous sommes déjà en 2016. Il y aurait donc une certaine urgence à concrétiser les espoirs d’exportation.
A moins d’une révolution dans la politique de défense et d’achat militaire, au moins 225 Rafale seront produits pour les besoins nationaux. Ce format n’est pas non plus gravé dans le marbre: le contexte stratégique change, les budgets s’adapteront peut-être. Les nouvelles commandes de Rafale pour l’Armée de l’Air concerneront des avions au standard F3R, compatibles avec le missile Meteor, qui arriveront à point pour assurer la relève des 2000 ‘bleus’, aux alentours de 2020. A moyen terme également, des opérations de rétrofit devront être envisagées, pour lisser la flotte à un standard F3 unique.
L’Armée de l’Air a placé toute sa confiance dans le Rafale, à juste titre. Outre des performances opérationnelles remarquables, l’avion détient un record absolu de sécurité des vols: un seul accident en 10 années de service.
Le Rafale sera-t-il le Concorde de notre aéronautique militaire ? Une superbe réussite technique doublée d’un bide commercial monumental ? On se souvient que le boycott des compagnies US avaient stoppé net les exportations du bel oiseau blanc.
Face à la concurrence U.S., mais aussi russe, européenne, et un jour … chinoise, le Rafale a de solides atouts pour s’imposer … dès cette année 2015.
Remerciements: A Michel pour la mise à disposition de ses très belles photos.
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