
Les exercices Garuda se déroulent en principe tous les deux ans autour du sujet focal de la puissance aérienne : acquisition et usage de la supériorité aérienne. Cette année, c’était à la France d’héberger la huitième édition de Garuda. Cet exercice s’est déroulé pour la première fois en 2003, en Inde, la seconde édition voyant les avions indiens stationnés sur la base aérienne 125.

Garuda doit son existence au partenariat stratégique signé entre l’Inde et la France en 1998, un traité au terme duquel les deux pays se doivent assistance mutuelle, sur terre, sur mer, dans les airs. D’où la rencontre fréquente des éléments de leurs forces armées lors d’exercices conjoints.

Son Excellence Sanjeev Singla, ambassadeur de l’Inde en France, a rappelé l’existence de liens anciens et pacifiques entre les deux pays. Il a également explicité les valeurs cardinales autour desquelles l’Inde fonde ses relations internationales … parmi celles-ci, le respect des frontières et du droit international, le multilatéralisme.

L’Inde, super-puissance émergente, mais puissance pacifique, a placé sa confiance dans notre pays pour ce qui est de plusieurs équipements majeurs de sa défense. En particulier, elle a presque toujours utilisé des avions de chasse conçus et fabriqués en France, en plus d’un grand nombre d’aéronefs russes.

Sans parler du Jaguar franco-britannique, la force aérienne indienne utilise actuellement des Mirage 2000 (depuis 1985), et bien sûr des Rafale, à hauteur de deux escadrons pour 36 avions. Lointains descendants des Ouragan et Mystère IV des années 50, les deux avions sont très appréciés par les pilotes indiens.

Cependant Vayu Sena a également misé sur les avions Sukhoi : le puissant biréacteur est présent dans ses forces à raison de 264 exemplaires (272 avions livrés, 8 perdus) répartis dans 11 escadrons. C’est ainsi que Garuda 2025 voit évoluer un détachement de Sukhoi 30MKI dans les cieux français.

Fort de ses dimensions (21,94 m de long par 14,70 d’envergure) et de sa masse (33,5 tonnes et même 38 tonnes à pleine charge max pour 17,7 tonnes à vide), le Su-30 présente des avantages en termes de performances (vitesse, plafond) et d’endurance (jusqu’à 4 heures sans ravitaillement pour 3000 km d’autonomie), ce qui en fait un avion de supériorité aérienne hors-classe, que la force aérienne indienne emploie pour des missions variées incluant le strike.

En dehors de ses plans canards, ce qui caractérise la version MKI indienne est la poussée vectorielle de ses deux réacteurs (des AL-31FP de 7,8 tonnes de poussée, 12,5 tonnes avec PC), l’inclinaison variable dans les deux plans de chaque réacteur indépendamment pouvant aboutir à des manoeuvres surprenantes en dog-fight.

Pour ce qui est du combat à longue distance, en BVR, les atouts du Su-30 MKI sont un puissant radar à balayage électronique, le N011 Bars, qui sera bientôt remplacé par le radar AESA indien Vinapaakhsha, et ses missiles Astra, indiens également, de 110 km de portée maximale, en plus des R-37 et R-73 de conception russe.

Le gros missile de croisière Brahmos, supersonique, caractérise la capacité air-sol spécifique du Su-30MKI, avec une portée de 300 km ; il a semble-t-il montré son efficacité lors des récentes attaques aériennes de l’opération Sindoor, en représailles aux attentats pakistanais de Pahalgam.

L’objet de Garuda 2025 n’était pas de pratiquer des exercices air-sol, mais de confronter et faire co-opérer les Su-30 avec des Rafale, principalement de Mont-de-Marsan, dans des scénarios air-air : c’est ce qui s’est déroulé du 12 au 26 novembre. La première des deux semaines a vu les deux composantes se livrer à des engagements simples de DACT en configuration 1 contre 1 ou 1 contre 2, en portée visuelle uniquement.

Durant cette semaine, les équipages ont appréhendé progressivement les techniques et les façons d’agir du partenaire : les deux forces aériennes sont issues de cultures aéronautiques différentes, et de cursus de formation distincts. Durant la seconde semaine se sont déroulés les scénarios plus complexes avec des formations plus importantes, incluant les engagements en BVR.

L’intérêt de l’exercice GARUDA est justement de confronter chaque force aérienne à un adversaire équipé d’un avion différent, avec une autre ‘philosophie’ du combat aérien, ce qui dans le cas de la France permet de sortir du cadre habituel de l’OTAN. Un cadre forcément réducteur au cas où l’Armée de l’Air et de l’Espace serait confrontée à une force aérienne extra-européenne.

Pour l’Indian Air Force, le premier défi est de mettre à l’épreuve sa capacité à se déployer loin, avec une logistique suffisante pour mener une action aérienne dans la durée : trois Boeing C-17 et deux Illiouchine 76 sont ainsi mobilisés pour permettre GARUDA 2025. Grande puissance commerçante, l’Inde a en effet vocation à veiller sur ses intérêts partout dans l’Océan … Indien !

Ensuite, la force aérienne indienne a également intérêt à sortir de son cadre national pour optimiser sa préparation à des engagements aériens proches de ses frontières : se confronter à des Rafale français plutôt qu’à des Rafale indiens présente l’avantage de devoir s’adapter à un adversaire qui a une autre pratique du combat aérien.

Garuda 2025 a vu se dérouler des missions quotidiennes, comprenant la participation de E-3F de la 36ème escadre, et évidemment de ravitailleurs de la 31ème escadre, appareil que convoite la force aérienne indienne. Des ravitaillements en vol sur A400M ont également eu lieu, mais uniquement au profit des Rafale : la validation du ravito A400M/Sukhoï 30 aurait nécessité une expérimentation préalable.

Il faudrait entrer dans des détails confidentiels, et hors de notre portée, pour savoir qui a ‘gagné’ dans tel ou tel engagement aérien, et pourquoi. Dans tous les cas, les partenaires indiens et français engagent leurs équipages les plus affûtés, et bien que chacun des avions ait ses caractéristiques propres, son domaine d’excellence, ce sont encore les pilotes qui font la différence, en combat à portée visuelle.

En ce qui concerne le combat à longue portée, un observateur non professionnel estimerait que c’est surtout le système d’armes qui peut faire la différence, ainsi que les conditions initiales de l’engagement. A ce titre, on peut espérer que l’ensemble Rafale-RBE2-OSF-Spectra-Meteor, couplé avec un E-3F, constitue un atout pour maîtriser le sujet …

Pour le reporter, il demeure que de ‘media day’ du 26 novembre fut une occasion unique d’observer les deux aviations travaillant ensemble, lors d’une des rares belles journées de fin d’automne sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan.
Alexandre et escadrilles.org
Remerciements : Au SIRPA-Air & Space pour mon accréditation (Capitaine Sarah), et à la base aérienne 118, en particulier la cellule Communication (Lieutenant Lise), pour son accueil et l’organisation parfaite de cette journée média du 26 novembre.
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