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La Flottille 16F et ses Etendard IVP (2)

Pirate en action dans les Balkans

Lors des crises qui suivirent la désintégration de la Yougoslavie (1993 à 1999), le groupe aéronaval participa en permanence aux opérations visant à limiter la propagation des hostilités. A cette époque, le parc était presque entièrement constitué d’Etendard IVPM, le dernier de ces avions rétrofités étant livré le 5 mai 1994. Par la suite, seul le 101 fut conservé au standard initial, servant en quelque sorte de ‘mule’ à la flottille, jusqu’en juillet 1996.

Juin 1993, le 16F-163 en mission
Juin 1993, le 16F-163 en mission

C’est en 1990 que les Etendard IVPM remplacèrent les IVP lors des embarquements, d’abord sur le Foch, puis à partir de décembre à bord du Clemenceau, et ensuite en alternance sur chaque porte-avions, avant le retrait du R98 en 1997. Dans un premier temps, jusqu’à la mi-1992, les détachements reco à bord comprenaient seulement deux avions et 2 à 4 pilotes.

Catapultage dans 1 seconde à bord du Foch en août 1993
Catapultage dans 1 seconde à bord du Foch en août 1993

Puis, pendant toute la période des opérations en Bosnie, le détachement opérationnel 16F compta le plus souvent 3 ou 4 avions et jusqu’à 6 pilotes (sur douze affectés).

Une vue du 109 en 1996, après son retour de Balbuzard
Une vue du 109 en août 1996, après son retour de Balbuzard

Au-dessus des Balkans, les ‘Pirate’ rendirent de précieux services, non seulement à la force navale, mais aussi aux états-majors de la coalition chargée des opérations, sous mandat du Conseil de Sécurité de l’ONU. Deux missions quotidiennes étaient effectuées par la 16F au-dessus de la Bosnie pendant les opérations Balbuzard et Salamandre.

Le Foch à toute vapeur à l'heure de récupérer sa pontée
Le Foch à toute vapeur à l’heure de récupérer sa pontée

Les missions Balbuzard (de I à XII, puis ‘Noir’) s’étendirent du 28 janvier 1993 au 18 juillet 1995, notamment en support des troupes françaises stationnées en Bosnie. Une mission typique comprenait l’envol de deux Etendard IVPM et d’un Super Etendard « nounou » équipé de la nacelle de ravitaillement. Les missions avaient un profil ‘haut-bas-haut’ en empruntant les corridors établis au-dessus de la côte croate.

C'est l'heure de la tétée pour l'Etendard IVP, avant le corridor vers la Bosnie
C’est l’heure de la tétée pour l’Etendard IVP, avant le corridor vers la Bosnie

La partie opérationnelle d’une mission, souvent en basse altitude avec une navigation extrêmement pointue au milieu des reliefs et des défenses sol-air adverse, comprenait le survol de plusieurs objectifs. L’équipement de reconnaissance comprenait alors jusqu’à six caméras grand format, avec des focales fixes équivalentes à 150-200 mm, jusqu’à 600 mm pour la reco ‘stand-off’ … Ces opérations balkaniques furent sans doute les plus intenses et les plus périlleuses de celles entreprises par les Pirate.

Evasive et tir de leurres IR (Bosnie, 1995)
Evasive et tir de leurres IR (Bosnie, 1995)

Une illustration extrême en fut offerte par le second de la 16F, le CC Clary, le 15 avril 1994 accompagné de son ailier l’EV Cloarec : après un survol de Sarajevo, la mission se poursuivait dans le secteur de Gorazde. A l’altitude de 1500 mètres et à la vitesse de 500 nœuds, l’Etendard n°115 du commandant Clary fut touché par un missile sol-air.

Souriez, c'est pour la photo ... chatouiller la barbe d'un site de SAM n'est pas un sport de masse !
Souriez, c’est pour la 16F … Chatouiller la barbe d’un site de SAM n’est pas un sport de masse !

Après une montée à 4000 mètres et l’affichage du cap retour vers le Clemenceau, l’ailier et le pilote constatèrent les dégâts : ni incendie, ni fuite, l’avion restait tout juste pilotable. Mais il fallut apponter sans volets et avec un empennage et la gouverne de direction très endommagés.

Juin 1996, le 115 témoigne encore d'une mésaventure qui s'est bien terminée
Août 1996, le 115 témoigne encore d’une mésaventure qui s’est bien terminée

Privé des compensateurs placés sur l’empennage, la sortie des volets était impossible. Le train et la crosse d’appontage sortirent normalement, le pilote se présenta en finale, aidé par son ailier, à la vitesse de 160 nœuds (30 de plus que la normale). Pour l’occasion, le Clemenceau filait à pleine puissance, 35 nœuds, et avec 12 nœuds de vent météo, l’avion accrocha un brin et s’immobilisa.

Le 153 se dirige vers l'avant du Foch, après son appontage
Le 153 se dirige vers l’avant du Foch, après son appontage

Le 17 décembre suivant, rebelote avec cette fois le LV Demeinex à bord du 163 : au cours d’une reconnaissance de la ligne de front entre Serbes et Musulmans bosniaques, un missile SA-7 atteint le croupion de l’Etendard. Le pilote reçu l’ordre de se dérouter et parvint à ramener son avion sur une base italienne (Gioa del Colle), où il fut réparé sur place.

24 décembre 1993: la catapulte propulse le 118, avec à son bord le CF Silve (pacha de la 16F)
24 décembre 1993: la catapulte propulse le 118, avec à son bord le CF Silve (pacha de la 16F)

Le 1er juin 1995, une patrouille composée du CC Erulin et le LV Gall parvint de justesse à éviter un missile après que ce dernier ait détecté le départ de l’engin. Avec le recul, on se dit que le saint-patron des marins du ciel veillait particulièrement sur la flottille 16F !

Le 109, arbore fièrement son palmarès, en août 1999
Le 107, arbore fièrement son palmarès, en juin 1999

Avec le désarmement du Clemenceau en 1997, le parc de la flottille décrut sensiblement pour s’établir à cinq puis quatre avions durant la période 1997-2000. Ainsi, en juin 1999 les Etendard IVPM 107-109-115-118 étaient opérationnels à Landivisiau, le 107 arborant une peinture commémorant son 1253e et ultime appontage … rien que ça !

Août 1999, un pilote (peut-être 'Manu' Delin) profite d'un bel été breton
Juin 1999, un pilote (peut-être l’EV ‘Manu’ Delin) descend du 109

C’est donc sur le Foch que les Pirate connurent leur tout dernier coup de chaud opérationnel, cette fois au-dessus de la Serbie et du Kosovo : du 21 septembre au 17 novembre 1998 puis du 26 janvier au 3 juin 1999, les missions Trident I et II virent la quasi-totalité de la 16F en opérations, avec 4 EPM (sur les 5 restants) et six pilotes.

Une pontée d'EPM, sur le Foch, ici en octobre 1999
Une pontée d’EPM, sur le Foch, ici en octobre 1999

Un total de 54 missions eut lieu au-dessus du Kosovo. La flottille en profita pour remettre à jour les dossiers de Bosnie Herzégovine, avec 116 missions.

Une brochette de missions au Kosovo inscrite sur le 115
Une brochette de missions au Kosovo inscrite sur le 115 (ici en octobre 1999)

L’ultime embarquement des Pirate eut lieu du 13 au 27 juin 2000, avec trois Etendard et cinq pilotes.

Le 115, paré au catapultage, lors de son avant-dernier embarquement
Le 115, paré au catapultage, lors de son avant-dernier embarquement

Peu après, le 27 juillet 2000, la 16F tirait sa révérence avec le dernier vol d’un dispositif d’Etendard IVP, emmené par le CF Goetz, sous les yeux d’invités prestigieux et de nombreux amis venus saluer la flottille. La dissolution administrative intervint le 1er août.

Image d'un temps révolu, à Landivisiau en août 1999
Image d’un temps révolu, à Landivisiau en juin 1999

Les Etendard IVP rejoignaient dans l’Histoire de l’aviation navale les Alizé, retirés du service le 25 juin, et les Crusader, absents des cieux depuis décembre 1999: un certain âge d’or de l’Aviation Embarquée s’achevait ce jour-là.

Roulage d'une patrouille légère,
Roulage d’une patrouille légère, vers le seuil de piste 26

Sans Etendard et sans 16F, la reco façon Marine continua un temps avec les SEM équipés d’un chassis ventral … puis la mission fut reprise par les Rafale et leur pod Reco-NG … mais l’histoire ne dit pas si les nouveaux recce-men de la Marine sont aussi intelligents que leurs anciens !

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SEM de la 17F avec sa nacelle reco: parmi les Quina, des anciens Pirate

De son côté, la grue de la 16F n’a pas lâché sa pierre, puisque l’insigne de tradition a été repris par le Centre d’Entraînement, d’Instruction et de Préparation des Missions (CEIPM) de Landivisiau, lui-même directement dérivé du Centre Renseignement Support de Préparation de Mission créé au sein de la 16F.

Le fanion du CEIPM, héritier et successeur de la 16F
Le fanion du CEIPM, héritier et successeur de la 16F

Le CEIPM est aujourd’hui placé directement sous les ordres du commandant du Groupe Aérien, aboutissement logique de cette singulière flottille.

Le photographe photographié ... et vice versa !
Souvenir de Pirate : le photographe photographié … et vice versa ! Aux commandes, le CC Gilles Humeau, pacha de la flottille de 1997 à 1999.

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… Voir le récit d’une mission peu ordinaire …

Remerciements particuliers à Benoît Silve, ancien commandant de la 16F (1993-1995) qui a bien voulu corriger et enrichir une première version de cet article. Je remercie le CC Pierre Clary et le CC Gilles Humeau de m’avoir sympathiquement accueilli ‘à bord’ de la flottille à Landivisiau, en août 1996 et juin 1999.

Source : ‘La saga Etendard’, Jean-Marie Gall 2009. Tomes I et II, Lela Presse (Collection Histoire de l’Aviation n°23 et 24).

Flottille 16F (1964-2000)

65 841 heures de vol – 11 920 appontages

In memoriam

LV Giraud                  7 juin 1966                 116
LV Louis                    6 novembre 1968       113
LV Dardouillet          16 mars 1970              104
LV Frachon               11 juin 1977                106
EV1 Rodier                7 mai 1986                 103
LV Malherbe             20 mars 1995              120