Frisian Flag 2016 fut organisé à Leeuwarden (Frise), du 11 au 24 avril, sous une météo parfois difficile, froide et venteuse.
Les origines
L’exercice tire ses origines en 1992 lorsque le 323e Squadron de la Force Aérienne Royale Néerlandaise (Koninklijke Luchtmacht ou KLu) ajoute à son rôle d’unité de première ligne celui de formation en charge de la mise à jour des tactiques, des procédures et de la formation des pilotes et moniteurs sur F-16. Désigné 323 TACTESS (Tactische Training Evaluatie en Standardisatie), il organise pour ses stagiaires des sessions d’entraînement dans lesquelles les missions de combat aérien dissimilaire ou combinées prennent une place importante.
Départ de mission. A noter que les F-16 de Volkel (ici le J–014) sont désormais souvent dépourvus d’insignes de Squadron
Cette année-là donc, le Squadron convie quelques participants étrangers à un exercice dénommé Diana Tactical Integrated Training, dont l’acronyme DIATIT est une fine allusion à l’emblème de l’escadron : une Diane chasseresse, à la poitrine souvent dénudée. DIATIT est reconduit en 1993 puis 1997, sous des formes diverses. Le 323e Sqn opère alors de sa base de Leeuwarden (Frise, Hollande du Nord), les unités invitées déployant également sur cette plate-forme ou à partir d’autres terrains aux Pays-Bas, plus nombreux qu’aujourd’hui.
En 1999, suite à la participation croissante, il prend le nom de « Frisian Flag », par référence aux grands exercices Red, Green et Maple Flag organisés Outre Atlantique. Devenu un incontournable du calendrier des exercices annuels de l’OTAN en Europe, Frisian Flag connaîtra toutefois plusieurs éclipses en 2003 et 2004 (déploiement du 323e TACTESS en Afghanistan), 2006 et 2007 (organisation par le Squadron d’un Fighter Weapons Instructor Training), 2010 (éruption du volcan islandais Eyjafjöl) et 2011 (opérations en Libye).
A compter de 2012, l’exercice est organisé tous les ans, et depuis 2015 par l’autre escadron résident de la base, le 322e squadron ‘Polly Grey’, devenu 322e TACTESS depuis que le 323 a abandonné ses F-16 pour se consacrer à la préparation de l’introduction de son successeur, le F-35A.
COMAO
L’objet principal de l’exercice est d’entraîner les participants à ce qui constitue désormais le cœur de l’expertise d’un pilote de combat : les Combined Air Operations (COMAO), soit des opérations aériennes complexes, en général prescrites par l’OTAN ou l’ONU, impliquant des aéronefs et des acteurs de types et nationalités différentes, qui doivent alors déployer et travailler ensemble à préavis souvent très court.
Les missions proposées sont concoctées en fonction des demandes des acteurs, et correspondent en général aux évolutions de la guerre aérienne telles que constatées par ces derniers lors des opérations réelles auxquelles ils participent, au Levant par exemple. Elles peuvent être aussi bien orientées Air-Air (offensive Counter Air ou Defensive Counter Air) que Air-Sol, ou bien évidemment combiner les deux.
Elles s’effectuent dans des zones réservées dans les espaces aériens néerlandais, danois et allemands, notamment au dessus de la mer du Nord, autorisant des vols sans restriction autre que les règles de sécurité. A noter qu’aucun tir réel n’a normalement vocation à être effectué. Afin que le scénario soit le plus réaliste possible, le personnel non navigant est également fortement mis à contribution. C’est notamment le cas des JTAC (Joint Terminal Air Controlers), chargés depuis le sol d’optimiser la pertinence de la frappe des aéronefs avec lesquels ils sont en liaison, ou encore des unités anti-aériennes.
Eurofighter allemand du TaktLwG 31, plus récente unité dotée du type au sein de la Luftwaffe. Ceci ne sera plus vrai en juillet prochain, quand le TaktLwG 71 sera formellement recréé à Wittmund
Afin d’y intégrer les ravitailleurs en vol, l’exercice EART (European Air Refuelling Training) est concomitant à Frisian Flag, ce qui a permis la contribution d’un KDC-10 ravitailleur du 334e Sqn de la KLu, complété par un KC-135R français et un KC-767 A italien, tous opérant d’Eindhoven. Ils ont été rejoints par un Airbus A310 MRTT allemand, de la base de Köln-Wahn.
L’exercice s’étale sur deux semaines, soit 9 à 10 journées opérationnelles, chacune comportant deux missions. En principe, les pilotes ne décollent qu’une fois par jour, et c’est déjà beaucoup, puisque chaque vol implique une douzaine d’heures de préparation, briefing et débriefing compris.
Les participants
Frisian Flag est évidemment LE grand exercice de la KLu, qui y envoie tous les F-16 disponibles, quand ces derniers ne sont pas impliqués ailleurs (opération extérieure, Baltic Air Policing) ou affectés aux Etats-Unis, à l’Operational Training Unit que les néerlandais entretiennent à Tucson, au sein de la Garde Nationale d’Arizona (162nd Fighter Wing).
On y observe donc les avions locaux du 322e TACTESS, qui utilise aussi les anciens avions du 323e Sqn, et leurs homologues venus de Volkel (312 et 313 Sqn). Un C-130H du 336e Sqn d’Eindhoven a également été déployé en Frise pendant toute la durée de cette édition, pour y agir en qualité de Slow Mover.
D’autres participants assidus n’ont pas manqué à l’appel :
Mais trois ‘guest stars’ ont particulièrement marqué cette édition :
Alors que les marquages des Mirage 2000 étaient particulièrement variés, car représentatifs des 4 escadrons de Nancy, les Tornado étaient lugubres, dépourvus de tout insigne d’unité, comme il est d’usage dans la Royal Air Force quand des opérations sont en cours.
Les Tornado et Mirage se sont évidemment consacrés à leur mission traditionnelle, Air-Sol, les F-15 étant tournés vers l’Air-Air, en association avec les Eurofighter allemands et les F-18 finlandais. Les F-16, quant à eux, ont été employés comme vecteurs multi-rôles.
Atlantic Resolve
On rappellera que l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, et les combats en Ukraine orientale ont entraîné un regain des tensions est/ouest (ou tout du moins OTAN/Russie), avec comme corolaire finalement assez logique un retour des postures de la Guerre Froide, dont les déploiements américains en Europe, qui ont repris l’année dernière sous le nom d’Atlantic Resolve, ne sont qu’une illustration.
Dans ce cadre, 12 F-15C/D et 350 aviateurs des gardes nationales du Massachussetts et de Californie ont donc traversé l’Atlantique, exactement comme leurs homologues de Floride et d’Oregon l’avaient fait l’année dernière. Regroupés en tant que 131st Expeditionary Fighter Squadron, ils sont en Europe pour 6 mois, et vont participer à plusieurs exercices, notamment en Bulgarie.
Les quatre premiers avions sont arrivés le 4 avril, après un léger retard en raison de vents violents sur l’Atlantique, et un détour par la base anglaise de Lakenheath. Les 4 autres se posèrent directement à Leeuwarden le 6 avril.
Il n’y eu pas de troisième groupe, puisque les quatre derniers Eagle furent directement orientés vers Keflavik (Islande), pour effectuer une mission de police du ciel, jusqu’au 28 avril. Le personnel et le matériel de soutien, qui comportait aussi des renforts de Spangdhalem et Ramstein, fut acheminé par sept C-17A, la dernière semaine de mars.
Ainsi que le confirme le communiqué diffusé par le 104th FW, le déploiement a pour objectif un entrainement conjoint avec les Européens, afin d’améliorer encore l’interopérabilité avec eux et de montrer l’implication américaine dans la stabilité de l’Europe.
F-15 C avec un pod Sniper en ventral. Cet équipement présenterait des intéressantes capacités de détection Air–Air
Dans ce cadre, l’unité passe dans le giron fédéral, au même titre que les formations de l’USAF, en vertu du concept de la ‘Total Force’.
Pour les Américains, les enseignements tirés de ces exercices sont particulièrement précieux, dès lors que les effectifs des formations ANG, composés partiellement on le rappelle de ‘réservistes’ expérimentés, sont assez stables. Les leçons tirées peuvent donc être durablement transmises et implémentées.
Copyright: Frank Boucot, et escadrilles.org, tous droits réservés (mai 2016).