La sécurité des vols est une priorité quotidienne dans les unités de l’Armée de l’Air : on trouve un Officier de sécurité des vols (OSV) dans chaque escadron. Elle est une discipline à part, avec son propre référentiel, peu accessible à un non-professionnel comme l’auteur de ces lignes. On emploiera ici l’expression « sécurité des vols » en référence au nombre d’accidents aériens sérieux ou graves, c’est-à-dire entraînant la perte ou la réforme de l’aéronef. On s’interdira de disserter sur les causes précises de tels accidents, et par souci éthique on ne fera pas de statistique sur la mortalité des accidents.
Les accidents aériens n’épargnent pas les hélicoptères, les avions de transport, les ravitailleurs : tous les équipages de l’Armée de l’Air sont conduits à utiliser leurs aéronefs jusqu’aux limites prescrites pour accomplir leurs missions. Dans un premier temps, on abordera le cas des avions de combat à réaction.
Il faut relier le nombre d’accidents à l’importance de l’utilisation d’un aéronef au sein de la force aérienne : s’il y eût plus de Mirage III/V que de Mystère II accidentés, c’est que la carrière du second fut brève et concerna peu d’escadrons. On emploiera donc un indicateur assez stable et d’une précision suffisante (à notre niveau), celui du nombre d’accidents sérieux par « mois-escadrons », ce terme étant obtenu par la multiplication du nombre d’escadrons opérationnels par le nombre de mois d’utilisation : un escadron volant 12 mois sur un avion donne « 12 mois-escadrons », 5 escadrons volant 12 mois font « 60 mois-escadrons ».
Avant de passer à l’examen des différents jets de l’Armée de l’Air, il faut quand même donner les facteurs génériques qui peuvent influer sur cette sécurité des vols :
– la qualité de la conception et de la construction de l’aéronef, qui se concrétisent dans les qualités de vol d’un appareil (absence de vice) et dans la fiabilité en vol (absence de panne grave sur un composant majeur, comme le réacteur),
– la qualité de la maintenance de l’aéronef (détection précoce et traitement adéquat des problèmes techniques), au regard de la disponibilité du matériel,
– la qualité des équipages, incluant la sélection et la formation initiale des pilotes, navigateurs et mécaniciens navigants,
– la qualité de l’entraînement opérationnel : les conditions dans lesquelles on prépare et on conduit les missions d’entraînement, dans les unités opérationnelles,
– les conditions météo dans lesquelles sont conduites les missions réelles, selon leur degré d’urgence,
– le niveau d’engagement des forces dans des conflits réels,
– … j’oublie sans doute quelque chose ? …
Regardons maintenant la sécurité des vols pour les jets utilisés par l’Armée de l’Air, du Mystère II au Rafale (nous n’avons pas eu accès aux données pour les avions à réaction de première génération, à ailes droites et nettement subsoniques).
Le Mystère IIC fut produit à 150 exemplaires pour l’Armée de l’Air et mis en service opérationnel en juillet 1955 à la 10è escadre de chasse de Creil. Il demeure le canard boîteux de la maison Dassault.
Il fut retiré du service en novembre 1957, avec un taux d’accident record de 0,28 par mois-escadron, et remplacé par le Mystère IVA, beaucoup plus réussi.
Le Mystère IVA fut mis en service opérationnel en mars 1955 à la 12è escadre de chasse de Cambrai et commandé à 242 exemplaires par l’AA. Il fut utilisé à Cazaux jusqu’en novembre 1982
Cet avion fut considéré comme sûr, à l’époque ; nous avons un taux d’accident de 0,07 par mois-escadron. Comme il l’y avait pas de biplace, les chasseurs fraîchement macaronnés étaient d’ailleurs directement lâchés sur Mystère IVA.
Le F-84F Thunderstreak et son cousin le Thunderflash furent tous deux mis en service en novembre 1955. L’Armée de l’Air compta 364 « Streak » et 88 RF-84F. Les F furent retirés du service en janvier 1967, tout comme les « Flash ».
Les deux avions connurent un taux d’accident assez élevé, 0,16 par mois-escadron. Ils furent beaucoup utilisés à basse altitude.
Le F-86K Sabre fut mis en service en septembre 1956, dans sa mission de chasse tous-temps, avec la 13è escadre de Colmar. Admis au service à 60 exemplaires, il fut poussé dehors dès septembre 1962 par l’arrivée du Mirage.
Son retrait du service ne fut pas causé par une mauvaise sécurité des vols, puisque nous avons un taux d’accident de seulement 0,05 par mois-escadron.
Les Vautour IIA, IIB et IIN furent parmi les rares biréacteurs mis en service par l’Armée de l’Air avant le Rafale, pour un total de 63 IIN, 36 IIB et 13 IIA. Mis en service en mai 1957, les Vautour volèrent jusqu’en décembre 1978.
Le taux d’accident fut d’environ 0,06 par mois-escadron, en regroupant les chasseurs de nuit et les bombardiers. Donc plutôt faible, sauf les premières années.
Le Super-Mystère B2 fut mis en service en mai 1958, dans une mission de défense aérienne, avec le 1/10 Valois à Creil. Commandé à 180 exemplaires, il vola jusqu’en novembre 1977 avec le 1/12.
Considéré comme un bon avion, le SMB-2 se caractérise par un taux d’accident de 0,08 par mois-escadron (0,13 dans les 5 premières années de son service).
Le F-100 Super Sabre, mis en service en mai 58 à la 11è escadre de Luxeuil ; il fut utilisé par l’AA à 99 exemplaires (D et F). Il vola jusqu’en décembre 1978 au 4/11 de Djibouti, avec une mission principale de chasseur-bombardier.
Réputé être un « avion d’homme », le Super Sabre se caractérise par un taux d’accident de 0,05 par mois-escadron, donc pas très élevé.
Les Mirage III et V, chefs d’oeuvre de la maison Dassault, sont pour le moment les chasseurs les plus utilisés par l’Armée de l’Air, avec une mise en service en juillet 1961 (IIIC au 1/2 de Longvic) et un retrait du service à la mi-94 (IIIE du 3/3 et BE du 2/13).
Avec 450 exemplaires de tous types utilisés, on enregistra un taux d’accident de moins de 0,04 par mois-escadron (beaucoup plus fort les premières années).
Le Jaguar, chasseur-bombardier biréacteur, entra en service en mai 1973 au 1/7 de St-Dizier et fut mis en service à 200 exemplaires (dont 160 monoplaces). Il resta en service jusqu’en juin 2005 (au même 1/7).
Ayant été utilisé dans différents conflits, le Jaguar s’illustra par un taux d’accident de 0,03 par mois-escadron, donc assez faible.
Toujours vaillant malgré une mise en service en décembre 1973 (F-1C au 2/30 de Reims), le Mirage F-1 débuta sa carrière comme avion bleu pour l’achever comme mud. La mise en service du F-1B attendit 1981 ; 248 avions furent livrés (20 B, 164 C, 64 CR).
Egalement souvent mis à contribution en opex, le F-1 se caractérise par un taux d’accident de 0,02 par mois-escadron, donc faible.
Avec le 2000, on est vraiment dans la quatrième génération des jets de combat. Comme le F-1, ce chasseur exécute des missions très différentes dans l’AA, après une mise en service comme chasseur bleu en juillet 1984 (EC 1/2).
Avec 315 avions livrés (30 B, 124 C, 86 D et 75 N), le 2000 accomplit une carrière magnifique dans l’AA. Son utilisation opérationnelle sous tous les cieux se caractérise par un taux d’accident particulièrement faible, à peine plus de 0,01 accident par mois-escadron.
Le Rafale a débuté sa carrière dans l’Armée de l’Air en juillet 2006, comme chasseur-bombardier polyvalent de 5è génération. Il est livré pour l’instant à 90 exemplaires et vole en opérations dans 4 escadrons.
L’utilisation du Rafale révèle un taux d’accident de 0,005 par mois-escadron, dans l’AA, ce qui est extrêmement faible. Le Rafale est souvent utilisé en opérations.
Pour conclure, on a observé une baisse importante et assez régulière des pertes d’avions de combat dans l’Armée de l’Air depuis le milieu des années 50.
Sans être du métier, il est impossible de faire une analyse fine de ces statistiques, qui demeurent du reste pas très précises. Il est certain que les avions actuels bénéficient d’une qualité de conception et de construction extraordinaires.
Ceci étant posé, et en enlevant les impondérables (guerre, …), c’est le triptyque qualité de maintenance-formation des équipages-entraînement opérationnel, qui permet d’arriver à une telle sûreté des vols, semble-t-il.
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Sources : archives et bases de données publiques, monographies.