La genèse
Le Tornado, issu du projet MRCA (Multi-Role Combat Aircraft) a une origine double : la succession du F-104 et le souci de la Royal Air Force de remplacer le E.E. Canberra dans les missions d’attaque et de strike (frappe nucléaire).
L’avion connut une genèse difficile, qui débuta en 1967 quand les Italiens, Belges, Néerlandais et Allemands, puis Canadiens, tentèrent de définir un projet commun. Consensus qui fut brisé dès l’étape de définition de la mission principale de l’avion : Intercepteur plus ou moins léger pour les uns, avion de Strike et Attaque pour les autres (allemands et italiens), rejoints par les britanniques en 1968, dans une ambiance un peu dubitative.
Ces derniers pansaient en effet encore les plaies de l’abandon successif des TSR-2 et F-111K. MRCA allait-t-il signifier « Must Refurbish Canberra Again » ?
L’histoire montrera que non, dans la mesure où comme souvent (ou toujours, diront certains), c’est la vision d’Outre-Manche qui fut retenue, les partenaires étant alors réduits aux deux pays ayant une position compatible : Allemagne et Italie. L’avion à construire sera donc un avion d’attaque tout temps, taillé pour la basse altitude, dans une configuration bi-réacteur et géométrie variable (alors en vogue à l’époque).
Plus tard, les Britanniques mettront au point une version de Défense Aérienne, avec une réussite discutée, mais c’est une autre histoire (que nous évoquerons peut-être dans un autre article).
L’avion fit son premier vol en août 1974, pour une campagne de développement qui durera toute la fin de la décennie.
Formation
Les partenaires étant tous membres de l’OTAN et destinés à combattre ensemble un même ennemi désigné (l’ogre russe soviétique), il fut décidé de mettre en commun la formation des pilotes, via le TTTE (Tri-National Tornado Training Establishment), stationné sur la base de Cottesmore, en Angleterre.
Fort d’un parc qui à son apogée comprit jusque 52 avions sur 3 escadrons, respectivement à commandement allemand, anglais et italien, le TTTE a pour mission, à partir de janvier 1981 et sur 13 semaines, de convertir les équipages, via 28 sorties pour les pilotes et 23 pour les navigateurs.
La nationalité des instructeurs est à ce stade indifférenciée : instructeur allemand et élève britannique, par exemple. En revanche, l’aspect tactique et la délivrance des armements reste confié à des unités nationales, les doctrines d’emploi pouvant d’avérer différentes.
En Grande-Bretagne, cette mission était à l’origine (janvier 1982) dévolue au TWCU (Tactical Weapons Conversion Unit), basée à Honington, et qui deviendra 45 Sqn en 1984.
L’entrée en service opérationnel
C’est le 9 Sqn, lui aussi basé à Honington, qui eut l’honneur de devenir la première unité opérationnelle sur le nouvel avion, en version GR1, à partir de juin 1982.
Puis vint le tour du Marham Wing : 617 et 27 Sqn, en 1983.
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A la Royal Air Force Germany (RAFG)
L’ennemi identifié étant le Pacte de Varsovie, l’essentiel des forces de l’OTAN est basé en République Fédérale Allemande. Les Anglais, en tant que membres de la 2nd Allied Tactical Air Force (II ATAF), étaient stationnés sur le flanc septentrional.
Ce n’est donc pas moins de 8 squadrons de Tornado qui seront localisés en Allemagne, sur deux bases : d’abord Laarbruch, où les 15 et 16 Sqn remplaceront leur Buccaneer fin 83-début 84, suivis par le 20, qui remplaça ses Jaguar en juin de cette même année.
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Puis vint Brüggen, où quatre squadrons de Jaguar furent convertis entre 1984 et 1986 : les 31, 17, 14 et II (AC), rejoints fin-86 par le 9 Sqn venant d’Honington.
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La Guerre du Golfe et le changement de doctrine d’emploi
A la suite de l’invasion du Koweït par les armées de Saddam Hussein en août 1990, les britanniques déployèrent dans le Golfe, sous le nom de Code Operation Granby (aout 1990-mars 1991).
Tornado ‘MiG Eater’, qui détruisit au sol un Mirage F1, et pas un MiG 29, comme supposé lors de son baptême
S’agissant des unités de Tornado, c’est la RAF Germany qui eut à supporter l’effort, à partir de trois bases : Muharraq (Bahrain), Tabuk et Dharan (Arabie Saoudite).
Les avions opéraient initialement en basse altitude, et mettaient en œuvre notamment des bombes lisses de 1000lb et des conteneurs à sous-munitions JP 233.
Cette tactique conduisit à un taux d’attrition élevé en début de campagne (5 avions abattus), et entraîna la redéfinition de la doctrine d’emploi, en privilégiant cette fois la moyenne altitude, avec l’usage de bombes guidées Paveway II.
Pour cela, il fallut développer en urgence un pod de désignation laser, le TIALD (Thermal Imaging Airborne Laser Designator), et mettre à contribution les Buccaneer, qui désignaient également les cibles avec du matériel américain (Pod Pave Spike).
41 Sqn, Coningsby, août 2014 : 5 GBU sous le ventre, illustration du changement de la doctrine d’emploi initiale de l’avion
Cet évènement malheureux, mais bien géré, a contribué à définir ce qu’est le Tornado aujourd’hui, avec son passage au standard GR4 : un avion d’attaque versatile à moyenne altitude, vecteur de munitions intelligentes de format varié (Brimstone, BGL, Storm Shadow), avec autonomie de désignation.
Fin de la guerre froide : la grande déflation
Une fois la guerre du Golfe terminée, et malgré diverses répliques et l’émergence de nouveaux conflits, dans les Balkans d’abord, puis en Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001, les esprits formatés par la Guerre Froide ont considéré que la fin annoncée de cette dernière devait conduire à une réduction des forces et à leur redéploiement hors d’Allemagne.
C’est ainsi que les bases de Laarbruch puis Brüggen ne survécurent pas longtemps à la dissolution de la RAF Germany en 1993.
Les stations anglaises ne furent pas en reste puisque Honington termina ses activités aériennes en 1994 et le TTTE ferma en 1999, chaque participant gérant à compter de cette date localement la formation des équipages.
Que reste-t-il de la Tornado Force ?
Aujourd’hui, les 60 (approximativement) Tornado GR britanniques opérationnels, sur un parc initial d’un peu plus de 220 sont désormais (et hors déploiement) tous basés au Royaume-Uni.
Le Marham Wing (Angleterre) accueille les 9 et 31 squadron.
Les deux unités dévolues à la Recce, le 13 (recréé en 1990) et II (AC) ont récemment délaissé leurs Tornado pour respectivement des drones Reaper et des Typhoon.
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Lossiemouth (Ecosse) s’occupe de la formation, via le 15 Sqn, et abrite aussi le 12 Sqn.
Cette unité a connu une histoire récente agitée : recréée en 1993 sur les cendres du 27 Sqn, puis dissoute en 2014, elle fut réactivée en urgence, en 2015 dans le cadre des opérations anti ISIS, avec les anciennes machine du II (AC).
Lossiemouth 2015, photo rare à double titre : avion du 12 avec marquages d’unité, et Ecosse par beau temps…
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Le 617 Sqn n’est plus actif, destiné qu’il est à passer sur F-35.
Enfin, une poignée de machines est affectée à Coninsgby, au 41 Sqn, une unité d’essais comparable à notre CEAM.
Une fin annoncée ?
Le retrait des Tornado est périodiquement évoqué depuis plusieurs années, pour un remplacement dans leur mission par les Typhoon et les F-35B, dont l’intégration dans la Royal Air Force se prépare.
Mais très récemment, un (premier ?) répit, jusque 2019, a été annoncé.
La raison en est assez simple : la RAF est aujourd’hui encore très sollicitée par les interventions au Levant notamment, le Tornado prenant encore une part prépondérante dans les missions air-sol, les capacités du Typhoon en la matière étant encore sinon balbutiantes, du moins loin du nominal.
Quant au F-35, il est difficile de dire où il en est vraiment …
N’enterrons donc pas trop vite l’Ancien, qui a encore bon pied bon œil et qui pourrait de ce fait jouer les prolongations encore plus que prévu …
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Remerciements : à Vincent Pirard pour la mise à disposition de rares photos.