Le quinquennat 2007-2012 fut riche en tristes cérémonies, tant du côté de la Marine (fermeture de Nîmes Garons) que de l’Armée de l’Air (fermeture de Francazal en 2009, Colmar en 2010, Reims en 2011, Metz en 2012, Cambrai, pour ne citer que les bases abritant des escadrons d’aéronefs). Durant cette période, l’Armée de l’Air vit un tiers de ses escadrons de chasse aller au tapis, victimes des visions stratégiques du moment et des calculettes gouvernementales.
Avec en ligne de mire l’objectif de 225 avions de combat (LPM 2014-2019), nombre d’avions en parc incluant l’Aéronautique Navale (on en comptait 550 en ligne au début des années 80), on craignait à nouveau des mauvaises nouvelles du côté des moyens opérationnels. En fait, les annonces du 3 octobre consistèrent en quelques mouvements d’unité (le 2/2 Côte d’Or quittera la mythique BA 102, réorganisation de l’Ecole d’Aviation de Chasse). En 2014, le seul escadron qui devrait être mis en sommeil est l’ER 2/33 Savoie, avec ses Mirage F-1CR et B.
Est-ce que le contrat opérationnel indiqué dans le Livre Blanc pourrait être rempli en 2014, si besoin était ? Rappelons que ce contrat stipule la projection à grande distance de 45 avions de combat (air + mer) et son soutien dans la durée (aviation de transport …).
Si l’on sanctuarise les deux escadrons FAS, et que l’on garde à la maison un escadron et demi de défense aérienne, il reste deux escadrons (Air) de Rafale projetables, plus trois escadrons de 2000D. En comptant deux flottilles de l’Aéronavale disponibles pour une projection lointaine, on s’aperçoit que sur le papier, le contrat opérationnel du LBDSN est tenable.
Ce contrat de 45 avions projetables n’est pas une abstraction: il correspond en gros à l’effort qui avait été fait lors de « Daguet » en 1990-91 (opération coalisée Desert Shield): à cette époque 48 avions de combat avaient été envoyés sur place (2000C, Jaguar, F-1CR), avec cinq C-135F, un Gabriel et de hélicoptères CSAR. C’est ce qui avait permis à la France de tenir son rang face à un pays du Moyen-Orient fortement défendu (source: Patrick Facon, Histoire de l’Armée de l’Air, 2009).
Plus près de nous, toujours lors d’opérations internationales, la France avait dépêché 34 avions de combat (8 F-1CR/CT, 8 Jaguar, 18 Mirage 2000C/NK2) pour Deliberate Force (ex-Yougoslavie) en 1995. Et 51 avions de combat pour Allied Force en 1999 (16 F-1CR/CT, 12 Jaguar, 23 2000C/D), avec 9 aéronefs de soutien opérationnel (2 E-3, 6 C-135, 1 Gabriel, 2 Puma CSAR). Et les nombreuses rotations de C-160 et C-130 pour faire voler cette flotte. (source: Patrick Facon, Histoire de l’Armée de l’Air, 2009).
Enfin, en Lybie, face à un adversaire dont les forces aériennes étaient quasi K-O dès le second jour (la volée de missiles Cruise US et GB n’y fut pas pour rien), la campagne aérienne Harmattan avait encore nécessité plus de 30 avions de combat, pendant plus de quatre mois. Il est intéressant d’observer qu’à cette époque, avec une Armée de l’Air déjà amaigrie à cause des restructurations, et un groupe aéronaval à pied d’oeuvre, l’effort « Harmattan » consenti ne fut pas sans conséquence sur les autres activités opérationnelles des aviateurs et des marins.
Mais le LBDSN prévoit également le traitement simultané d’une à deux crises régionales (type Mali, si l’on veut), chacune nécessitant la présence d’une petite unité d’avions de chasse et du support permanent de plusieurs avions de transport tactiques et stratégiques. On devrait donc se poser la question de recréer rapidement un ou deux escadrons de chasse (il y a suffisamment de Mirage 2000 en stock !) afin d’avoir des forces aériennes dimensionnées en accord avec les ambitions de ce fameux LBDSN.
En effet, en matière de choses militaires il n’est jamais bon de rêver les yeux ouverts (notre Histoire au XXème siècle en témoigne): en l’occurrence, il n’est pas bon de nourrir des ambitions de puissance quasi-planétaire avec une aviation de taille réduite.
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