L’Aéronavale ne doit pas subir de restructuration significative durant la LPM 2014-2019, mais elle prend sa part de la rigueur budgétaire en voyant ses nouveaux matériels livrés au compte-goutte, et les programmes de modernisation étalés dans le temps. Malgré ces temps difficiles, l’aviation navale française est la première d’Europe, et demeure l’une des premières du monde, sinon par ses effectifs du moins par le large éventail de missions qu’elle peut effectivement mener.
L’Aéro reste structurée autour de trois grandes composantes opérationnelles, qui sont le Groupe Aérien Embarqué (avec 4 flottilles d’avions), l’Aviation de patrouille et de surveillance maritime (avec 5 flottilles d’avions et 1 flottille d’hélicoptères), et les Hélicoptères embarqués (4 flottilles). A ces flottilles, on ajoute quatre escadrilles, unités dévolues à la formation (22S, 50S, 57S) ou aux expérimentations (10S). Si les navires de la Marine Nationale sont à peu près équitablement répartis (en nombre) entre les façades atlantique et méditerranéenne, sans oublier notre Outre-Mer, il n’en va pas de même pour les bases d’aéronautique navale : en Bretagne, nous avons les BAN de Lanvéoc-Poulmic, Lann-Bihoué et Landivisiau, en Provence, nous trouvons la BAN d’Hyères ; en Outre-Mer, Tahiti-Faa’a est de facto une base d’aéronautique navale.
La BAN de Lanvéoc-Poulmic abrite des unités école et des flottilles d’hélicoptères : la 50S a en charge la sélection et la formation de base des pilotes navals, avec ses monomoteurs Cirrus SR-20, et la 22S assure avec ses Alouette III la navalisation des pilotes d’hélicoptères qui ont reçu auparavant une formation de base à Dax.
Première flottille d’hélicoptères basée en Bretagne, la 32F est équipée d’EC-225 et assure les missions de sécurité maritime. Ces Eurocopter devaient initialement être intérimaires, mais une dotation complémentaire est prévue. La 32F fut la dernière utilisatrice des Super-Frelon de l’Aéronavale, jusqu’en avril 2010. Depuis le 8 décembre 2011, date de sa réactivation, la flottille 33F est en cours de rééquipement sur Caïman et assure des missions de combat naval, de soutien et de sauvetage. De plus, la base de Crozon héberge la dernière flottille de Lynx de l’Aéro, la 34F, qui déploie ses hélicoptères sur les frégates ASM. A moyen terme, les Lynx seront remplacés par des Caïman en version ASM.
Lanvéoc-Poulmic jouit d’une situation stratégique dans tous les sens du terme, puisque sa situation lui permet d’avoir la haute-main sur la surveillance des entrées-sorties des SNLE de la FOST.
La BAN de Lann-Bihoué (Lorient) est, elle, étiquetée « PatMar » depuis son ouverture en 1951, même si elle a hébergé d’autres unités de la Marine. Sa vocation s’est renforcée depuis la fermeture de Nîmes-Garons : ce sont maintenant 5 flottilles de multimoteurs de soutien, de surveillance, de guet aérien et de patrouille maritime qui sont basées à Lorient, dont l’une, la 4F, fait partie du GAE. La 4F, en effet, aligne trois Grummann E-2C pour assurer à partir du porte-avions les missions de guet aérien, de contrôle tactique aéroporté. Les Hawkeye français sont actuellement portés au standard le plus moderne, mais la commande d’un 4ème exemplaire a été écartée. Il n’y a pas beaucoup d’eau sous la quille.
Les flottilles 21F et 23F sont équipées de Dassault-Breguet Atlantique, un total de 16 étant en ligne (sur 27 en parc), un avion lourd de patrouille maritime, de lutte anti-sous-marine et anti-surface, et de surveillance aérienne. La Marine Nationale est une des dernières en Europe à mettre en oeuvre cette catégorie d’avions, seule capable de garantir les approches des ports et des lignes de communication contre l’intrusion des sous-marins.
Mais les ATL2 sont également les seuls à pouvoir assurer une surveillance « multi-spectres » au-dessus des étendues désertiques, et servent de PC aérien lors d’opérations aéro-terrestres, comme les E-3F; l’équivalent d’une flottille a été mobilisé pendant les premiers mois de Serval. C’est pour cette raison qu’un programme substantiel de modernisation ( millions) a été lancé en 2013, qui porte sur les capteurs et le système de 15 ATL2. L’Atlantique modernisé sera en fait un ATL3 ! Les deux flottilles pourront l’utiliser jusqu’en 2030.
La flottille 24F est, elle, spécialisée dans la surveillance maritime et le SAR (Search and Rescue), avec ses avions Falcon 50M. Si les quatre premiers triréacteurs sont équipés d’une trappe permettant de larguer une « chaîne SAR », les quatre appareils ex-Armée de l’Air (en cours de livraison) n’ont pas cette capacité ; ils possèdent par contre un ensemble de capteurs modernisés. Plusieurs équipages de la 24F sont déployés Outre-Mer, où la ZEE française à surveiller est énorme (à vrai dire démesurée vis-à-vis des moyens de surveillance).
Enfin, la flottille 28F, nouvellement arrivée sur la plate-forme lorientaise, utilise les Embraer Xingu dans des missions de formation (Ecole du Personnel Volant) et de soutien. Les équipages d’avions y apprennent à travailler dans le cadre de leurs missions dans l’Aéronavale, la formation multimoteur de base étant commune avec l’Armée de l’Air. La 28F est devenue indispensable pour le soutien depuis la disparition des escadrilles.
Avec cinq flottilles, toutes équipées d’avions multimoteurs et servies par des équipages de 3 à 12 personnes, la Base d’Aéronautique Navale de Lann-Bihoué est devenue la plus importante de France depuis 2010.
Troisième des bases bretonnes de l’Aéro, Landivisiau n’est pas la moindre dans l’immaginaire collectif, puisqu’elle héberge trois flottilles qui forment le « glaive » du GAE, ainsi que l’escadrille 57S, armée de cinq Falcon 10 Mer. Cette dernière a pour mission l’entraînement complémentaire des pilotes de chasse de l’Aéro, leur formation au VSV, ainsi que des tâches de liaison et de soutien. Les Falcon 10 ont été récemment modernisés et ont encore de nombreuses années de service devant eux.
En ce qui concerne les trois flottilles de chasse embarquée, chacun sait que deux d’entre elles ont une dotation de Rafale F-3, les avions livrés en 2014 devant être au dernier standard (RBE actif, …). La 11F (les Kimono) et la 12F (les Lascar) ont un spectre de missions identique, allant de la dissuasion nucléaire (ASMP-A) au ravitaillement en vol. Les deux formations embarquent tour à tour, en principe, sur le Charles De Gaulle, mais bien souvent les avions sont mutualisés lors des embarquements, de même que leur maintenance.
La 17F (les Quina) assure une mission d’attaque tous-temps avec ses SEM standard 5 : le monoréacteur approche de son départ à la retraite, mais il reste une plate-forme redoutable. Il est prévu que les SEM achèvent leur carrière en 2015 et soient remplacés par les Rafale, la montée en puissance de la refonte des Rafale F-1 intervenant à ce moment.
L’auteur de ces lignes ne sait pas comment l’arithmétique et la dotation opérationnelle de trois flottilles de Rafale feront bon ménage. Deux choses sont certaines : les chasseurs de l’Aéro ont déjà fait preuve de souplesse par le passé, et, le nombre magique de flottilles de chasse est de trois (deux en opération à bord du CDG, et une pour la formation terminale des pilotes fraîchement macaronnés, la navalisation n’ayant pas lieu à Saint-Dizier). Aux dernières nouvelles, le nombre de Rafale Marine pourrait être limité à 40 en parc.
Ultime base méditerranéenne de l’Aéro, Hyères est presque entièrement dédiée aux hélicoptéristes embarqués, si ce n’est qu’elle héberge l’escadrille 10S, en charge des expérimentations du CEPA. Trois flottilles d’hélicoptères sont basés sur la plate-forme varoise, elles ont toutes pour vocation de fournir des détachements aux bateaux de la Marine dont la mission nécessite des vecteurs aériens : lutte anti-surface, anti-sous-marine, reconnaissance, soutien et sauvetage au profits des unités de la Marine.
La 31F est une flottille dédiée à la lutte contre la menace sous-marine, même si les Caïman qui entrent progressivement en service ont des capacités multi-missions. Le nouvel hélicoptère de la Marine nécessite un hangar bien dimensionné pour pouvoir être détaché sur une frégate (comme les hangars des FREMM) ou sur d’autre bâtiments (BPC, PA, …). Le dernier standard du Caïman Marine permet son emploi en lutte ASM, avec notamment le sonar FLASH.
La 35F est une flottille multi-rôles, armée d’Alouette III, et de Dauphin en version Pedro (3), Service Public (5) et N3 (2, à Tahiti). C’est pour son rôle dans le sauvetage en mer que la 35F est la mieux connue du grand public.
La 36F a elle pour mission prioritaire le combat anti-surface, avec ses Panther Mk2. Les Panther de la 36F (au nombre de 16) sont embarquables sur toutes les frégates de la Marine.
Concernant les hélicoptères légers de la Marine, il est désormais certain que les Alouette III voleront au-delà de la LPM 2014-2019 : le premier contrat visant à définir le futur hélicoptère léger inter-armées vient d’être lancé par la DGA. Ce programme pourrait bien concerner également les Dauphin, à terme.
Après la restructuration 2007-2012, la base de Tahiti Faa’a est pratiquement une implantation de la Marine et elle héberge la 25F et ses Dassault Gardian, version française du Falcon 20G des Coast Guard. Les moyens de la flottille suffisent à peine à la mission qui lui incombe, rien moins que la surveillance des ZEE polynésienne et caldédonienne. Avec le temps, cela devient un défi quotidien de maintenir une disponibilité suffisante pour les 5 Falcon.
Les éternels discours sur « la France et l’importance de la seconde ZEE mondiale » trouvent leurs limites lorsqu’il s’agit de résoudre le problème terre à terre du budget consacré à la surveillance de cet espace ultra-marin. L’avenir de la flottille 25F se trouve au coeur de cette contradiction entre ambitions et moyens : quelle solution pour prendre prochainement le relais des Gardian ?
Certes, à l’instar des autres forces armées françaises, l’aéronautique navale doit se serrer la ceinture durant cette LPM 2014-2019. Cependant, si l’on en juge les programmes engagés, le moyen terme devrait voir une augmentation des capacités opérationnelles sous l’effet de la livraison de matériels neufs ou rénovés. L’essentiel est maintenant de préserver le capital humain, malgré une érosion des effectifs elle-aussi inscrite dans les textes.
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