Construire un porte-avions n’est pas une mince affaire, ce ne sont pas les turpitudes de feu le programme de porte-avions anglo-français qui nous contrediront. Bâtir un groupe aéronaval véritablement opérationnel encore moins, et ce ne sont pas les aventures récentes de l’Admiral Kuznetsov en Méditerranée qui nous contrediront (si tant est que la presse occidentale n’ait pas noirci le tableau).
La Marine indienne, qui possède une longue expérience en matière de force aéronavale embarquée, a jeté un gros pavé dans la mare en rejetant, le 2 décembre 2016, le programme de Naval-LCA, sur la base d’un mauvais pronostic technico-opérationnel de l’appareil.
D’un autre côté, Bharatiya Nau Sena, n’exprime pas de grande satisfaction sur l’emploi des MiG-29K volant au sein des INAS 300 et 303, et embarqués à bord du porte-avions STOBAR (short take-off but arrested recovery) INS Vikramaditya (ex-Baku et ex-Admiral Gorshkov). La Marine indienne a donc émis une demande d’informations pour l’achat de 57 avions de combat dans le cadre de son programme MRCBF (Multi Role Carrier Borne Fighter).
Cette demande a mis en émoi les constructeurs d’avions navals, en particulier Boeing qui construit le F-18E/F Super Hornet, et Dassault. SAAB pourrait proposer une version navale de son Gripen E, mais c’est peut-être placer la barre un peu haut, surtout si le délai et le budget de développement sont contraints. Le MiG-29 est aussi sur les rangs, mais les Russes ne peuvent pas capitaliser sur les performances actuelles de leur MiG naval. Et leur réputation est également ternie par les retards et surcoûts qui ont jalonné le programme Vikramaditya.
Les porte-avions actuels de la Marine indienne sont de type STOBAR, c’est le cas de l’INS Viraat (ex-Hermes, 1987-2017), récemment retiré du service, et du nouveau Vikrant, 40 000 tonnes de déplacement, en cours de finition dans les chantiers de Cochin.
Les catapultes à vapeur des PA sont de facto made in USA … la prochaine génération sera certainement électro-magnétique, y compris pour la France
Le Vikrant premier du nom (ex-Hercules) était lui un CATOBAR classique, mais à la fin de sa vie opérationnelle (1994) il emportait une flottille de Sea Harrier FRS.51. Ce vétéran avait auparavant connu les Sea Hawk (jusqu’en 1978) et les Breguet Alizé (jusqu’en 1991).
Le fait que les porte-avions indiens soient STOBAR n’est pas un problème majeur pour le F-18E/F, Boeing ayant effectué des essais validant l’emploi opérationnel de son avion … avec une charge limitée.
Il est probable que le Rafale M soit également STOBAR-compatible, vu que son rapport poussée/poids est avantageux; il est même plausible que notre Rafale, avion compact et très moderne au niveau de ses commandes de vol, soit plus à son avantage que le F-18 en cas d’emploi sur un PA STOBAR.
Le problème des deux prétendants vient … d’un banal dimensionnement d’ascenseur ! Les ascenseurs du Vikramaditya sont dimensionnés à 18,8 x 9,9 m, pour le MiG-29K, à ailes repliables, et le N-LCA, et ils sont positionnés au milieu du pont du PA. Ni le F-18, ni le Rafale ne peuvent donc emprunter ces ascenseurs, en raison de leur envergure.
Ce porte-avions est donc destiné à emporter des MiG-29K ou des avions plus petits.
En ce qui concerne le nouveau Vikrant, les ascenseurs sont latéraux (comme ceux du Charles-de-Gaulle) et mesurent 14 x 10 m : le problème concerne moins la longueur (les avions peuvent dépasser) des chasseurs, que leur envergure.
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Pour le F-18 aux ailes repliables, Boeing travaillerait sur le positionnement de son avion dans l’ascenseur du Vikrant. Pour le Rafale, l’affaire est sérieuse car les ailes ne sont pas repliables et l’envergure excède la largeur de l’ascenseur de presque un mètre.
Un bon casse-tête pour les ingénieurs, donc … Mais les fans d’aviation navale se rappellent que Vought avait retravaillé la voilure de son F-8E pour rendre l’avion compatible avec les ‘petits’ porte-avions français, Clemenceau et Foch.
Tout cela pour une commande de 42 avions, à l’époque. Un nouveau feuilleton indien à suivre, donc …
Alexandre et escadrilles.org
Pour une information plus détaillée, l’article d’Angad Singh dans StratPost