Escadrilles.org
Accueil » Reportages » Harmattan mode d’emploi

Harmattan mode d’emploi

Rafale line-up

Line-up de Rafale à Zara, opération Harmattan (mai 2011)

Déroulement d’Harmattan sur la BA 126 « Capitaine Preziosi »

F-1CR du 5/330 au roulage sur la BA 126

F-1CR du 5/330 au roulage sur la BA 126: Harmattan est gourmand en renseignements

Après les premiers jours de l’opération Harmattan et de l’opération internationale Unified Protector, la suprématie aérienne a été obtenue et un grand nombre de sorties a consisté à la mise en oeuvre directe des points de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Deux de ces points concernent les forces aériennes: l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne, et la protection des populations civiles. Le respect strict de la résolution 1973 et l’absence de victimes collatérales sont les deux plus hautes priorités des forces aériennes françaises lors de l’opération Harmattan.

Rafale du 1/7

Rafale du 1/7 armé de 4 BGL de 250kg: Harmattan exige des munitions de haute précision

La totalité des opérations militaires effectuées est subordonnée à la connaissance précise de l’état des systèmes militaires en Lybie, aussi un volume important de missions est affecté aux tâches « ISR » (Intelligence Surveillance Reconnaissance). Ces missions sont menées quotidiennement; pour ce qui est de la France, elle intéressent particulièrement les F-1CR du 2/33 « Savoie » (environ 4 avions sont détachés sur le base aérienne 126) et les Rafale (Air et Marine) avec le pod Reco-NG.

F-1CR et Astac

Les mécaniciens préparent un F-1CR pour l’emport d’un pod Astac

Les F-1CR peuvent emporter, en plus de leurs deux caméras internes, un pod de reconnaissance Presto ou un pod de reconnaissance électronique Astac. Le pod Presto a l’avantage d’être « stand-off »: des prises de vues argentiques en longue focale sont permises avec un fort déport latéral. Mais les images doivent attendre le retour à la base avant d’être exploitées. Le pod Astac est un équipement Elint dont les informations peuvent être transmises en temps réel, grâce à une station relais. Ces informations sont quasi-vitales lorsque des avions d’attaque doivent trouver un couloir dans un réseau de défenses aériennes sol-air.

Rafale et Reco-NG

Rafale du « Provence » de retour d’une mission avec le pod Reco-NG

Le pod Reco-NG présente l’avantage de fournir des images numériques en visible et en infra-rouge, et surtout de pouvoir transmettre des données directement au sol, où des analystes peuvent rapidement rediriger les informations utiles vers les structures de commandement. Les forces aériennes françaises consacrent chaque semaine plus de 50 sorties aux missions ISR.

Rafale C

Rafale C configuré en supériorité aérienne en attente d’une mission au départ de Zara

La zone d’exclusion aérienne est établie et maintenue par des missions de défense aérienne, pour lesquelles sont engagés des Mirage 2000-5F du 1/2 (basé à La Sude, en Crête), des Rafale du 1/7 et du 1/91 volant au départ de Solenzara, ainsi que les Rafale F3 de la flottille 12F, engagés depuis le Charles de Gaulle. Les forces aériennes françaises conduisent 20 à 30 missions de ce type chaque semaine, les sorties menées depuis la Crête étant bien sûr effectuées conjointement avec les Mirage 2000-5 du Qatar. Après le coup de boutoir initial, une pression constante est nécessaire pour maintenir la suprématie aérienne dans toutes les zones de Lybie.

Rafale et mécanos

Les mécaniciens surveillent attentivement le départ de la mission du matin

La majorité des missions au-dessus du territoire lybien sont à vocation air-sol, les forces aériennes françaises en conduisant plus de 100 chaque semaine.

Rafale 113IE

Rafale B du « Gascogne » armé en BGL et Mica

Comme la coalition internationale n’a pas de troupes au sol, ces actions aériennes contribuent à la suprématie aérienne (OCA, Offensive Counter Air) par la destruction d’équipements menaçants (aéronefs, radar, sites SAM, …), et empêchent les forces khadafistes de mener avec succès des actions offensives vers les zones où sont réfugiées les populations civiles favorables à l’insurrection (Air Interdiction). Ce sont principalement les 2000D et les Rafale des deux escadrons 1/7 et 1/91 qui exécutent ces missions.

Rafale 113-HK

Le 113-HK du « Gascogne » est la doublure pour cette mission: des spares sont prévus pour respecter la planification du jour

Notons que la campagne aérienne internationale n’a pas pour but d’annihiler les forces militaires lybiennes, mais simplement de les empêcher au maximum de nuire à leur propre population. Pour cette raison, les armements mis en oeuvre lors d’Harmattan ont des dispositifs de guidage de haute précision (guidage laser, éventuellement avec recalage GPS).

Rafale B décolle

La puissance du Rafale lui permet une belle incidence même lourdement chargé

Pour les bombes guidées laser (BGL), ce sont souvent des munitions de « petite puissance », les GBU12 ou GBU49 de 250 kg étant souvent emportées: en effet, le risque de dommage collatéral est d’autant plus faible que les effets de l’explosion sont contenus dans un petit rayon autour de l’objectif. On parle même de l’emploi de munitions inertes guidées, l’énergie cinétique de l’impact étant suffisante pour endommager les véhicules militaires légers ou moyens, avec un risque de perte civile très réduit.

Rafale retour

De retour d’une mission de 7 heures, ce pilote a visiblement utilisé des munitions

Depuis que la campagne aérienne est organisée de manière intégrée par l’OTAN, c’est le CAOC 5 (Combined Air Opérations Center) de Poggio Renatico qui en assure le commandement. L’opération Harmattan se déroule de manière complètement coordonnée par rapport à l’ensemble des opérations aériennes de la coalition. Mais chaque nation participante conserve le contrôle de l’exécution des missions de plusieurs manières. D’abord, le CAOC 5 soumet régulièrement une JPTL (Joint Prioritized Target List) aux états-majors nationaux, lesquels décident des missions qui seront exécutées par leurs forces, en fonction de critères qui peuvent être particuliers à chaque nation. Ce type de mission pré-établie est préparée minutieusement sur des objectifs parfaitement documentés, et leur exécution laisse peu de marges d’incertitude.

Rafale 113-IE

Prêt à rouler, ce Rafale du « Gascogne » emporte des arguments frappants au profit de l’ONU

Un second type de mission air-sol voit des avions dirigés vers une zone de patrouille où ils peuvent trouver des objectifs d’opportunité, en liaison en temps réel avec l’AWACS et le CAOC. L’équipage de l’avion connait les « ROE » (Rules of Engagement) et peut documenter un objectif potentiel à l’aide de son pod d’imagerie (dont la qualité est un facteur essentiel). Il a la possibilité soit, de décider de manière autonome de l’attaque de cet objectif, soit de se référer au CAOC, s’il a un doute sur la validité de l’objectif examiné. Dans ce dernier cas, il y a au CAOC un officier supérieur de sa nationalité (appelé Red Card Holder, RCH) assisté d’un Legal Advisor (« LegAd »), et le RCH dispose de la totalité des informations pour indiquer si l’objectif est valide, ou non. Dans le doute, bien sûr, l’objectif n’est pas attaqué.

Rafale et pétafs

Les mécaniciens remettent les sécurités-armements de ce Rafale C, doublure de la mission

On voit donc comment lors de ces opérations modernes de guerre aérienne, les procédures sont conçues pour minimiser les risques pour les populations civiles, et assurer que la conduite de la campagne est conforme aux objectifs assignés (ici la résolution 1973). Ce mode opératoire et la disponibilité d’équipements de haute technologie, avec un personnel très qualifié, sont les éléments qui permettent d’espérer que l’opération Harmattan contribuera fortement à la réussite des opérations internationales conduites en Lybie.

Remerciements: à l’Etat Major des Armées, au SIRPA-Air, à Mme Poggi, au Lieutenant-Colonel Guillermier, au Sergent-Chef Doukhi, ainsi qu’au personnel de l’Armée de l’Air pour sa gentillesse et sa disponibilité lors de ce reportage.

Copyright: Alexandre et escadrilles.org